30.06.2013 Views

thèse

thèse

thèse

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

paraît alors rêver « d’un grand théâtre baroque irreprésentable dans les conditions ordinaires. Il<br />

aspire à un autre espace, à une autre scène 1 », comme l’écrit Patrick Besnier. « « Guignol », les<br />

pages étranges de « Haldernablou » ou de César-Antechrist relèvent dans les Minutes de cette<br />

théâtralité antithéâtrale qui passionnait Jarry et le conduisit quelques années après à monter Ubu<br />

Roi et à participer au théâtre des Pantins. 2 » « Le Vieux de la Montagne » montre également chez<br />

Jarry « la permanence d’une autre forme de théâtre […] 3 ». C’est aussi sensible, notamment, avec<br />

Pantagruel, où Jarry « reste implicitement sur une scène idéale ou expérimentale 4 ».<br />

Il ne faut pas toutefois oublier que Jarry voulait que soit représenté Pantagruel. Si l’auteur<br />

d’Ubu Roi érige un théâtre injouable, l’on a bien affaire à du « théâtre », qu’il s’agit par conséquent,<br />

suivant la plus élémentaire logique, de « jouer 5 ».<br />

Mais dans le même temps on peut considérer que Jarry n’était pas dupe de la façon dont<br />

l’irreprésentable en irriguant le mécanisme propre à la représentation ferait déchoir celle-ci de<br />

tout ce qui n’est pas virtualité, la plaçant en-deçà de toute actualisation possible.<br />

Déjà, Ubu Roi est une pièce qui met en pratique, en acte, la théorisation de l’impossibilité de<br />

la représentation. C’est une pièce qui donne à voir l’impossibilité où elle se trouve d’exister au<br />

titre de représentation, exaltant tous les artifices qu’il s’agit d’ordinaire de dissimuler, évacuant des<br />

personnages toute psychologie et les faisant paraître tels des pantins afin de montrer que l’humain<br />

ne saurait être représenté sans perdre justement son statut d’humain, c’est-à-dire qu’il ne saurait<br />

être représenté sans faire l’aveu de l’impossibilité qu’il a à être représenté (car il paraît alors<br />

totalement autre : un pantin – d’où le choix de l’appellation « Théâtre des Pantins »).<br />

Il s’agit ainsi en ce sens pour Jarry, pour reprendre la formule de Philippe Sollers, de donner<br />

« l’idée d’un espace rigoureusement irreprésentable. C’est-à-dire de reprendre au théâtre sa<br />

structure même de représentation pour abolir toute représentation. 6 »<br />

En somme la non représentation de la pièce tient au texte même et non à l’impossibilité où<br />

se trouve le texte d’accéder à cette forme de consécration qu’est la représentation. L’auteur, par ce<br />

biais, du moins avec « Haldernablou », va au-delà de la sanction possible d’une non<br />

représentation, s’érigeant maître de la destinée de son ouvrage.<br />

1<br />

BESNIER, p. 195.<br />

2<br />

Id., p. 158.<br />

3<br />

Id., p. 227 ; voir aussi Id., p. 229. Sur la façon dont la théâtralité travaille en profondeur l’œuvre<br />

(y compris non théâtrale) de Jarry, voir Linda Klieger Stillman, La Théâtralité dans l’œuvre d’Alfred<br />

Jarry, South Carolina, French Literature Publications Company, 1980.<br />

4<br />

BESNIER, p. 417.<br />

5<br />

Id., p. 195.<br />

6<br />

Philippe Sollers, Improvisations, Gallimard, collection Folio essais, 1991, p. 38.<br />

75

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!