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deviennent sous la plume de Jarry, dans ce « roman moderne » : « Destin, Destin, trop cruel<br />

Destin ! […] Destin n’est qu’un mot, et les cieux sont vides 1 ».<br />

Outre le fait que le début du Surmâle (l’apparition anodine de Marcueil) semble répondre en<br />

tout point à cette remarque de Péladan : « quand on est trop fort, on cache sa force ; une femme<br />

se décourage devant de pareilles surnaturalités 2 », Marcueil peut être rapproché de Merodack par<br />

sa connaissance des réalités ignorées des scientifiques, sa propension à l’extraordinaire, – mais<br />

aussi par sa capacité à rompre « l’insignifiance polie d’une conversation mondaine » à laquelle des<br />

personnalités « diverses et notables », « d’esprit et illustres 3 » se sont contraintes par respect de la<br />

moralité qui stipule que l’on n’échangera que des banalités aimables et brillantes au cours de<br />

pareilles assemblées – en assénant une vérité semblant paradoxale, au mépris des formes de la<br />

politesse et du savoir-vivre, laquelle férocité, asocialité dans le discours, est transformée, après un<br />

blanc de stupeur de rigueur, en impertinence pouvant se rattacher aux jeux d’esprit.<br />

Après l’avoir exclu du groupe par le silence, on l’en rattache aussitôt, ramenant son acte de<br />

parole à la socialité ambiante. Aussi Marcueil n’est-il pas aussitôt compris : chacun pense qu’il<br />

invente (d’où l’intérêt qu’il suscite : l’on veut qu’il aille au bout de sa pensée – et l’on ne tolère pas<br />

qu’il assène des remarques comme si c’étaient des vérités : l’on s’attend à ce qu’il développe).<br />

À mesure que Marcueil s’éloigne de la norme bourgeoise (car enfin, ça ne se fait pas, de faire<br />

l’amour indéfiniment, comme de parler pour dire quelque chose), il est condamné… à rentrer<br />

dans les rangs, en se mariant.<br />

Comme Marcueil, les héros de Péladan visent à rompre le cours toujours semblable des<br />

paroles de société de la grande bourgeoisie (l’on est toujours en présence de princesses chez<br />

Péladan), lesquelles, démesurément légères, quand bien même remarquables pour Péladan, car<br />

appartenant à un autre temps, sont toujours mises en péril par les enseignements du mage ou son<br />

refus de se donner, qui est par ailleurs le plus grand enseignement dont il puisse, sans ironie, faire<br />

preuve.<br />

Il s’agit pour Péladan de dresser le cadre de la haute bourgeoisie, puis d’y inscrire « la plus<br />

haute entité, […] l’être qui absolument diffère de tous ceux de sa série 4 », afin de produire l’onde<br />

de choc qui craquellera le vernis de la réserve bourgeoise.<br />

3. 3. 7. 3. Une influence très peu visible.<br />

1<br />

OC II, p. 264.<br />

2<br />

Péladan, La Décadence latine, éthopée [IV], À cœur perdu, op. cit., p. 410.<br />

3<br />

OC II, p. 189.<br />

4<br />

Péladan, La Décadence latine, éthopée [IV], À cœur perdu, op. cit., p. 302.<br />

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