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spéciales, apprises plus ou moins péniblement, tombent d’elles-mêmes de la mémoire ; il faut<br />

pourtant se garder de croire que pour cela elles soient perdues 2 ».<br />

Mais, en réalité, Jarry cite spécifiquement Ribot. Comme le rappelle Paul Sollier dans Le<br />

Problème de la mémoire, « essai de psycho-mécanique », la « disparition apparente et [...] réapparition<br />

des souvenirs […] ont fait dire à M. Ribot que l’oubli était la condition de la mémoire 3 » – cette<br />

forme d’oubli correspondant pour Sollier, qui ajoute ce qui selon lui est une rectification, au<br />

« passage du conscient à l’inconscient 4 ». Car il n’y a pas d’oubli véritable dans le sens d’une<br />

perte : « [l]a mémoire perdue par le cerveau est intégralement conservée par le véhicule subtil 5 »,<br />

écrit à son tour le docteur Pascal.<br />

Ribot va néanmoins déjà dans ce sens puisqu’il écrit que « [l]a mémoire consciente n’est qu’un<br />

cas particulier de la mémoire biologique 6 ».<br />

Ainsi, si la formulation de Ribot que Jarry utilise à plusieurs reprises dans son œuvre sous-<br />

entend, selon les dires du scientifique lui-même, que « sans l’oubli total d’un nombre prodigieux<br />

d’états de conscience et l’oubli momentané d’un grand nombre, nous ne pourrions nous<br />

souvenir 7 », elle signifie également, et surtout, que la mémoire est l’absence se retournant en<br />

présence, c’est-à-dire l’oubli s’actualisant en mémoire : « Les faits psychiques se transforment sans<br />

cesse. Nos sensations, nos images, nos idées, nos sentiments ne subsistent pas tels qu’ils ont<br />

apparu, ils se modifient à peine nés, les autres états d’âme qui les accompagnent se transforment<br />

aussi et ces changements divers dépendent, dans une certaine mesure et à certains égards, les uns<br />

des autres. Tout phénomène mental qui vient à se produire, sensation ou perception, croyance,<br />

idée, sentiment, émotion est immédiatement exposé à des forces qui tendent à le réduire, à le<br />

déformer, à dissocier ses éléments. Un double travail d’analyse et de syn<strong>thèse</strong> […] le décompose<br />

ou l’agglomère avec d’autres, ou reconstitue avec ses éléments des phénomènes nouveaux. Nos<br />

sensations, nos sentiments, nos idées, nos images ne s’anéantissent pas complètement dans le<br />

tourbillon psychique. Elles se reconstituent de temps en temps et nous les voyons reparaître sous<br />

une forme qui ressemble à leur forme primitive. Elles ont même gardé leur fraîcheur et parfois<br />

leur aspect de nouveauté. Les éléments qui paraissent dissociés pour toujours se sont<br />

1 Docteur J. Dallemagne, Dégénérés et Déséquilibrés, Félix Alcan, 1895, p. 59.<br />

2 E. Renan, L’avenir de la science, présentation et notes par Annie Petit, Flammarion, collection GF,<br />

1995, p. 275.<br />

3 Dr Paul Sollier, op. cit., p. 58<br />

4 Ibid.<br />

5 Dr Th. Pascal, Essai sur l’Evolution Humaine, op. cit., p. 34.<br />

6 Th. Ribot, Les Maladies de la mémoire, dix-huitième édition, Félix Alcan, 1906, p. 50.<br />

7 Propos de Ribot cité par Paul Sollier, op. cit., p. 151.<br />

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