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chapitre III de L’Amour absolu : « Ô sommeil, singe de la mort 1 ») mais également, comme nous<br />

venons de le voir avec le résumé de Li-Taï, au sein de la communauté scientifique (Paul Janet<br />

écrit par exemple à l’occasion de son annotation des Œuvres philosophiques de Leibniz : « […] le<br />

sommeil, qui est une image de la mort […] 2 »).<br />

Eliphas Lévi synthétise lui aussi cette conception, en définissant cette fois le rôle des rêves,<br />

dans « Histoire de la magie » : « Le sommeil est une mort incomplète ; la mort est un sommeil<br />

parfait. La nature nous soumet au sommeil pour nous habituer à l’idée de la mort, et nous avertit<br />

par les rêves de la persistance d’une autre vie. La lumière astrale dans laquelle nous plonge le<br />

sommeil est comme un océan où flottent d’innombrables images, débris des existences<br />

naufragées, mirages et reflets de celles qui passent, pressentiments de celles qui vont naître. 3 »<br />

Jarry avait fait sienne cette conception, comme en témoigne sa lettre à Rachilde du 28 mai<br />

1906 : « Là-dessus, le Père Ubu, qui n’a pas volé son repos, va essayer de dormir. Il croit que le<br />

cerveau, dans la décomposition, fonctionne au-delà de la mort et que ce sont ses rêves qui sont le<br />

Paradis. 4 »<br />

Il n’est nullement étonnant que Jarry ait été lecteur de Histoire de la magie, ouvrage « avec une<br />

exposition claire et précise de ses procédés, de ses rites et de ses mystères » paru chez G. Baillière<br />

en 1860, étant donné la façon avec laquelle Jarry a puisé sa conception de l’identité des contraires<br />

fécondant toute son œuvre dans Dogme et rituel de la haute magie du même Lévi (dont le vrai nom<br />

est Alphonse Constant), paru chez G. Baillière en 1856.<br />

L’évocation du « Paradis » chez Jarry rejoint celle de l’ « autre vie » chez Lévi (« [l]a nature<br />

[…] nous avertit par les rêves de la persistance d’une autre vie »), le rêve étant d’ordinaire relié à la<br />

vie mortelle comme le résume Emmanuel Kant : « Le rêve semble tellement faire partie du<br />

sommeil que dormir et être mort seraient une même chose si le rêve n’était pas comme une<br />

agitation naturelle, quoique involontaire, des organes internes de la vie […] 5 ».<br />

Jarry ajoute dans sa lettre à Rachilde : « Le Père Ubu, ceci sous condition […] va peut-être<br />

dormir pour toujours 6 », donnant voix à l’affirmation de Paul Janet comme quoi « [l]a nature nous a<br />

1 OC I, p. 924-928.<br />

2 Gottfried Wilhelm Leibniz, Œuvres philosophiques de Leibniz, avec une introduction et des notes<br />

par Paul Janet, deuxième édition revue et augmentée, tome premier, Félix Alcan, 1900, p. 605.<br />

3 Eliphas Lévi, Secrets de la magie, I, Dogme et rituel de la haute magie, Histoire de la magie, La clef des<br />

grands mystères, édition établie et présentée par Francis Lacassin, Robert Laffont, collection<br />

Bouquins, 2000, p. 757.<br />

4 OC III, p. 617.<br />

5 Kant, Anthropologie, suivie des Divers Fragments du même auteur, relatifs aux Rapports du Physique et du<br />

Moral, et au Commerce des esprits d’un monde à l’autre, ouvrage traduit de l’allemand par J. Tissot,<br />

Librairie Philosophique de Ladrange, 1863, p. 115.<br />

6 OC III, p. 617.<br />

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