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— Fantasme de l’inceste comme fusion avec son passé.<br />

Si l’inceste tel que présent dans Les Cuirs de Bœuf est possibilité offerte à l’homme de<br />

« touch[er] » le « pur absolu 1 », quand bien même « l’inceste n’est » perçu que comme « un mot 2 »<br />

(« En quoi suis-je ta mère ? Est-ce que depuis le jour où je le fus, chaque parcelle de mon corps<br />

ne s’est pas détruite et renouvelée ? Depuis ta naissance n’as-tu pas changé, quoique<br />

progressivement, du tout au tout, et plusieurs fois même ? es-tu – ah ! ah ! cela fait rire ! – le<br />

nouveau-né de jadis ? Que reste-t-il, par conséquent, ô sottise humaine, des deux chairs de cette<br />

naissance ? Rien, rien ! 3 », écrit Polti), c’est du fait justement de ce rêve du double poussé ici à son<br />

paroxysme puisqu’en s’unissant à celle qui lui a donné naissance, ne serait-ce que<br />

fantasmatiquement, il s’agit en somme pour l’être de s’unir à soi.<br />

La mère renvoie doublement à soi : d’abord parce qu’elle est l’origine de soi et ensuite parce<br />

qu’elle représente l’ensemble des moments qui ont précédé soi et dont ainsi l’être a été privé. En<br />

conséquence, dans ce rêve de fusion avec la mère se lit en creux chez Polti un rêve de totalité,<br />

une volonté de renouer entièrement avec les moments dont l’être a été exclu (le moment de sa<br />

naissance, et les moments précédant celle-ci) et qu’il doit posséder pour enfin être à même de<br />

pouvoir atteindre une complétude, prétendument salvatrice (pour Jarry, l’amour doit ainsi<br />

permettre, pourrait-on dire, l’irruption en soi de la figure d’un androgynat temporel).<br />

Jarry a repris l’idée de l’inceste dans le sens apologétique que lui donne Polti, et ce dans<br />

L’Amour absolu (qui date, comme Les Cuirs de Bœuf, de 1899 ; mais Jarry était un proche de Polti et<br />

il est plus que probable que celui-ci lui ait parlé de l’intrigue des Cuirs de Bœuf avant parution,<br />

quand bien même cette conception de l’inceste se lit dans cet ouvrage de façon extrêmement<br />

sous-jacente).<br />

Cependant, il apparaît que l’auteur de Messaline a développé avant Polti cette idée de fusion<br />

avec l’autre perçue comme fusion non pas véritablement avec Soi (ce qui serait sinon absurde du<br />

moins impossible) mais, plus exactement, avec ce qui manque à soi pour que soi puisse être<br />

complet – en somme son propre passé (façon de dépasser la conception platonicienne<br />

relativement commune) –, ainsi que nous l’avons évoqué, et ce dans Les Jours et les Nuits (puisque<br />

Les Cuirs de Bœuf a paru en 1899 et Les Jours et les Nuits en 1897), établissant dans ce roman de<br />

façon extrêmement nette (car des prolégomènes de cette conception étaient déjà présents dans<br />

« Haldernablou ») sa propre conception de l’amour : « Sengle découvrait la vraie cause<br />

1 Georges Polti, Les Cuirs de Bœuf, Un Miracle en XII Vitraux outre Un prologue invectif, Édition du<br />

Mercure de France, 1899, p. 36.<br />

2 Id., p. 35.<br />

3 Ibid.<br />

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