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vers l’enfance, au travers de ses lectures, mais également en rédigeant un « Commentaire » qui<br />

autorise le voyage dans le temps et ainsi permet à l’homme non pas de renouer<br />

fantasmatiquement avec sa complétude déchue mais de la toucher véritablement du doigt), mais à<br />

l’écart de la jouissance, pour reprendre le sens que donne Barthes à ce mot.<br />

En effet, « le plaisir est lié à une consistance du moi, du sujet, qui s’assure dans des valeurs de<br />

confort, d’épanouissement, d’aise ». La jouissance, quant à elle, « est le système […] à travers<br />

lequel le sujet, au lieu de consister, se perd, éprouve cette expérience de dépense qui est à<br />

proprement parler de la jouissance. 1 » Comme l’écrit Lévinas, « [l]’Autre, en la volupté, est moi »<br />

mais surtout « séparé de moi 2 » ; si « [l]a séparation de l’Autre au sein de cette communauté du<br />

sentir constitue l’acuité de la volupté 3 », elle est fuie pour cela même par Jarry comme par<br />

Péladan.<br />

La figure du double devient ainsi en toute logique celle du frère, comme cela est perceptible<br />

dans Les Jours et les nuits.<br />

Jarry semble s’inspirer, là encore, d’Aglavaine et Sélysette de Maeterlinck. Si le livre II de ce<br />

roman de Jarry s’intitule « Le livre de mon frère », c’est, semble-t-il, en référence à la réflexion<br />

d’Aglavaine : « Ne puis-je pas t’aimer comme un frère, Méléandre ? 4 »<br />

Ce rêve de fraternité modalisé par la chasteté ne peut que demeurer un rêve, comme le sous-<br />

entend Maeterlinck, d’où la souffrance sur laquelle se décline inéluctablement le rapport<br />

amoureux (retourné en communauté d’âmes) vécu par Jarry certes comme une façon de renouer<br />

avec son propre passé mais en réalité plongé, ainsi que cela est perceptible dans « Haldernablou »,<br />

dans un rapport à l’altérité qu’il n’est pas possible d’entièrement éluder : « MÉLÉANDRE. Crois-<br />

tu que je puisse t’aimer comme une sœur, Aglavaine ? AGLAVAINE. Ah... MÉLÉANDRE.<br />

Crois-tu que tu puisses m’aimer comme un frère ? 5 » « MELEANDRE. Tu n’es pas ma sœur,<br />

Aglavaine, et je ne pourrais pas t’aimer comme une sœur... AGLAVAINE. C’est vrai que tu n’es<br />

pas mon frère, Méléandre ; mais c’est ici, sans doute, que nous devons souffrir... MÉLÉANDRE.<br />

Toi aussi, tu aimes […] les souffrances inutiles ? 6 »<br />

Cette présence du double fraternel est d’autant plus illusoire que l’autre doit être<br />

véritablement un jumeau afin que la fusion avec son propre passé (et ainsi l’accession à sinon la<br />

du moins une totalité de soi) puisse s’opérer : « Et surtout il était très nécessaire qu’il demeurât ce<br />

1<br />

Roland Barthes, Œuvres complètes, 1972-1976, Seuil, 2002, p. 52.<br />

2<br />

Emmanuel Lévinas, op. cit., p. 297.<br />

3<br />

Ibid.<br />

4<br />

Maeterlinck, op. cit., p. 25<br />

5<br />

Id., p. 26<br />

6<br />

Id., p. 27<br />

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