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subjective. « Rien de plus ridicule », proclame Gourmont que l’idée d’ « un goût en soi » 1 »), un<br />

« même critique » peut changer « d’avis sur une même œuvre, celle-ci ne pouvant produire sur lui<br />

les mêmes impressions à quinze ou à soixante ans 2 ».<br />

Si l’admiration est pour Jarry, le plus souvent, la seule modalité du jugement possible, c’est<br />

bien parce que la littérature n’est pas objet de savoir. Il se place ici fortement dans le sillage de<br />

Remy de Gourmont. Chaque œuvre étant unique, l’homme demeurant à jamais inexplicable,<br />

« une science de la littérature devient impossible : ce qui reste à la critique, c’est de pouvoir être<br />

un art 3 » ; d’où le fort recours au poème en prose, dans l’écriture des comptes rendus, pratiqué<br />

par Jarry à ses débuts.<br />

4. 7. 4. But poursuivi : mettre à mal l’idée d’une vérité de la critique.<br />

Ainsi Jarry, et c’est peut-être le point le plus important de son propos, en mettant à mal les<br />

vérités scientifique et historique (lesquelles, sinon se confondent, du moins épousent la même<br />

dynamique au point d’être considérées d’un seul tenant comme nous l’avons vu), met à mal, en<br />

creux, l’idée d’une vérité de la critique, et ainsi l’idée qu’il puisse y avoir une science de la<br />

littérature – à l’inverse de Régnier qui parle de la critique littéraire comme d’une « très réelle<br />

science 4 » –, conception que l’auteur du Surmâle défend avec force en attaquant ouvertement la<br />

figure du critique autant qu’en pratiquant le plus souvent une critique impressionniste mais qu’il<br />

met pourtant apparemment paradoxalement en péril en élaborant à certains moments une<br />

critique dogmatique : dans ses comptes rendus notamment de l’œuvre de Péladan, comme nous<br />

l’avons indiqué, de par l’énoncé de vérités générales fortes, qui, dans leur formulation, interdisent<br />

toute nuance du lecteur, tout point de vue qui ne soit pas un plein désaccord, Jarry apparaît alors<br />

plus proche de la critique dogmatique, ce qui pourrait paraître surprenant étant donné la façon<br />

dont la plupart des écrivains symbolistes de sa génération ont combattu fermement cette forme<br />

de critique.<br />

En réalité, cette critique apparemment dogmatique n’en est pas une véritablement (du moins<br />

sous ces atours sa visée se présente différente) car il s’agit pour Jarry, comme nous l’avons déjà<br />

souligné, d’établir avec force, même si c’est sous le jour de l’implicite, une filiation d’une part avec<br />

Le Mercure de France, c’est-à-dire avec toute une communauté d’auteurs dont il se sent<br />

excessivement proche (lorsqu’il énonce semblable avis sur Rachilde par exemple), mais aussi,<br />

1 NORDMANN, p. 167.<br />

2 Vincent Engel, op. cit., p. 39.<br />

3 CARAMASCHI, p. 120.<br />

4 Le Mercure de France, op. cit.<br />

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