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pas dit autre chose 1 »), le critique doit [ainsi] se contenter de noter ces impressions 2 ». « Ce ne<br />

sont que des impressions sincères notées avec soin » écrit Jules Lemaitre ; Anatole<br />

France présente de la même manière « les aventures de [son] âme au milieu des chefs-d’œuvre » et<br />

« les modifications qu’elles ont produites en lui ; il n’y a rien à juger, rien à expliquer, mais<br />

seulement à noter […] les conséquences que [la] lecture a eues sur l’existence du lecteur. 3 »<br />

Le compte rendu du Musée de Béguines de Georges Rodenbach (Ollendorf) dans Le Mercure de<br />

France en 1894 donne un parfait exemple de cette forme de critique attentive aux impressions :<br />

« C’est un livre précieux et monotone qu’il faudrait lire sous la lumière pacifique tamisée par des<br />

rideaux blancs, au coin d’une fenêtre donnant sur une rue déserte. Cela glisse lentement,<br />

doucement sur l’âme, comme ces longs bateaux plats des Flandres sur l’eau immobile d’un canal.<br />

Pour l’écrire, Georges Rodenbach, comme d’ailleurs pour Bruges-la-Morte, est descendu en lui-<br />

même dans ces régions obscures et riches où se sont déposées les impressions d’enfance. Rien<br />

n’égale la force et la fécondité de ces impressions ; en elles toute notre sensibilité est en germe,<br />

notre sensibilité vraie, non adultérée par l’infiltration littéraire, ni modifiée par les courants<br />

extérieurs. Peut-être même le propre des grands artistes serait-il de pouvoir, quand il le faut,<br />

briser cette carapace artificielle et compacte que la littérature juxtapose à notre personnalité, pour<br />

replonger dans les eaux profondes de leur être, et en rapporter les trésors ensevelis des émotions<br />

primitives. 4 »<br />

C’est aussi le propre des grands lecteurs selon les critiques impressionnistes. Lemaitre va<br />

jusqu’à écrire que « la critique est l’art […] d’enrichir et d’affiner par [les livres] des sensations ».<br />

Ce qui signifie : ses propres sensations. « Ici, la critique, ou plutôt le critique, reconnaît parler<br />

avant tout de lui-même, l’œuvre lue n’étant que le moyen d’approfondir cette connaissance de<br />

soi. 5 »<br />

Ce qui est une fatalité et non un choix, car, comme l’écrit France : « […] tous ceux qui se<br />

flattent de mettre autre chose qu’eux-mêmes dans leur œuvre sont dupes de la plus fallacieuse<br />

illusion. La vérité est qu’on ne sort jamais de soi-même. 6 »<br />

Aussi, comme le résume Valéry dans son Introduction à la méthode de Léonard de Vinci : « Il reste<br />

d’un homme ce que donnent à songer son nom, et les œuvres qui font de ce nom un signe<br />

d’admiration, de haine ou d’indifférence. Nous pensons qu’il a pensé, et nous pouvons retrouver<br />

entre ses œuvres cette pensée qui lui vient de nous : nous pouvons refaire cette pensée à l’image<br />

1<br />

R.-J. Berg, op. cit., p. 129.<br />

2<br />

Vincent Engel, op. cit.<br />

3<br />

Ibid.<br />

4<br />

Le Mercure de France, n° 53-56, mai-août 1894, tome XI, p. 289.<br />

5<br />

Vincent Engel, op. cit.<br />

6<br />

Propos cité par Edith Tendron, Anatole France inconnu, Belgique, Céfal, 1995, p. 51.<br />

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