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notre maladie, à nous 1 » et Merki, pourtant l’un des critiques les plus acerbes occupant avec<br />

constance les pages du Mercure de France, bibliographiant Trois Femmes de George Bonnamour<br />

(Savine), ironise : « à la rigueur, souhaiter la mort du voisin, cela peut passer pour de la critique. 2 »<br />

Cette dernière phrase de Merki montre combien cette violence, parfois extrême en ce qu’elle<br />

vise toujours l’amour-propre, semble inhérente à la « critique littéraire », à l’acte de juger.<br />

Cette violence peut aller très loin, jusqu’à susciter possiblement un duel, ainsi que le montre la<br />

rubrique « Echos divers et communication » du Mercure de France en 1893, où l’on peut lire : « M.<br />

Alfred Vallette s’étant jugé offensé par une phrase d’un article du Nouvel Echo, en date du 22<br />

janvier 1893, a prié MM. Louis Dumur et Jules Renard de demander à M. Alcanter de Brahm,<br />

signature de l’article, une explication ou une réparation. M. Alcanter de Brahm a aussitôt<br />

constitué comme témoins MM. Emile Strauss et Henry Gauthier-Villars. Ces messieurs ont<br />

déclaré que leur client n’avait voulu faire qu’une critique littéraire et n’avait jamais eu l’intention<br />

d’offenser personnellement M. Alfred Vallette. Ces explications échangées, les quatre témoins ont<br />

décidé qu’il n’y avait pas lieu de donner suite à l’affaire. Fait double à Paris, le 26 janvier 1893.<br />

Pour M. Alfred Vallette Pour M. Alcanter de Brahm<br />

Louis Dumur Emile Straus<br />

Jules Renard Henry Gauthier-Villars 3 »<br />

L’on pourrait multiplier les exemples de propos d’auteurs se plaignant de la méchanceté<br />

sournoise, insidieuse de la critique, propos qui cherchent toujours à se déployer tels « quelques<br />

bons coups de patte à la critique littéraire… 4 ».<br />

Il s’agit toujours dans ce cas, peut-on penser, de régler implicitement des comptes : la critique<br />

de la critique, cette dernière fût-elle sournoise et injuste, demeure une critique et elle porte de plus<br />

en elle une certaine violence. L’expression d’une violence a-t-elle quelque valeur réelle pour<br />

stigmatiser la violence d’un jugement ? Peut-elle réellement, par son expressivité, fût-elle à ce<br />

point circonstanciée qu’elle semble en tout point légitimée, faire affleurer l’inexact et le caractère<br />

déplacé de la violence du propos critique qu’elle combat ?<br />

En outre, cette violence inhérente à la remise en cause de la violence de la critique naît<br />

également du fait que ce sont là avant tout des auteurs (et non essentiellement des critiques), le plus<br />

souvent, qui s’expriment ; autrement dit cette violence, pour légitime qu’elle soit, qu’ils façonnent,<br />

donne ainsi possiblement, même invisiblement, trace aux retentissements qu’a pu avoir la critique<br />

judicatrice sur leur psyché d’auteurs ; quand c’est l’amour-propre qui guide la violence, celle-ci<br />

1<br />

Le Mercure de France, op. cit., p. 368.<br />

2<br />

Id., p. 365.<br />

3<br />

Le Mercure de France, n° 37-40, tome VII, janvier-avril 1893, p. 285.<br />

4<br />

Le Mercure de France, n° 33-36, tome VI, septembre-décembre 1892, p. 82.<br />

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