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Et ce du fait de l’horizon d’attente du journal et des présupposées modalités de lecture<br />

limitées du large lectorat qui conditionnent cet horizon d’attente : se place très haut, pour le bon<br />

fonctionnement d’un journal, « l’indispensable établissement d’une connivence entre le journaliste<br />

et le lecteur, seule susceptible [de fait] d’assurer la survie du journal », et de cette « exigence de<br />

familiarité » « découle inévitablement » « la stéréotypie 1 ».<br />

En outre l’écriture se trouve-t-elle placée d’emblée sous le risque de la banalité non pas tant<br />

parce que sa nécessité naît tout entière des contingences, mais parce qu’elle est soumise à<br />

l’actualité, et ainsi à l’éphémère par excellence, qu’elle épouse en paraissant sous la forme<br />

éphémère du journal ou de la revue. Aussi est-elle rattachée de facto au dérisoire, quand bien même<br />

l’éphémère de l’actualité dessine peu à peu les traits d’une époque et permet que soit lisible<br />

l’Histoire, ainsi que Jarry a voulu le signifier, en ce qui concerne son volume de chroniques rêvé,<br />

par le choix de son sous-titre « lumières sur les choses de ce temps ».<br />

Enfin, l’écriture est menacée de systématisme, du fait de la périodicité sur laquelle elle se<br />

construit : « la régularité de l’écriture, quotidienne ou plus souvent hebdomadaire […] [fait que]<br />

les articles ne valent pas seulement en soi, mais aussi comme partie d’un feuilleton, que le lecteur<br />

est invité à suivre semaine après semaine 2 » ; c’est pour cette raison que La Renaissance latine<br />

présentera la contribution de Jarry sous le titre « Le Journal d’Alfred Jarry ».<br />

En cela, la presse apparaît bien comme un poison : elle est la promesse d’une influence<br />

pernicieuse et définitive sur l’auteur qui fraiera avec elle, ne pouvant que l’amener à rompre l’idéal<br />

qui le porte jusque dans son écriture, visible au travers des exigences suivant lesquelles elle se<br />

déploie. Un compte rendu anonyme des Âmes fidèles au Mystère d’Adolphe Frères (Lacomblez)<br />

inséré dans Le Mercure de France en 1892 résume ainsi : « L’auteur dit dans sa préface « des âmes<br />

très impersonnelles, n’ayant pas lu les journaux ». Oh ! Certes, et cela se devine rien qu’au parfum,<br />

exquis, véritable odeur de sainteté littéraire, qui se dégage de l’œuvre. Ce sont presque des doigts<br />

manieurs d’hosties que les doigts d’un tel joaillier. 3 »<br />

2. 2. 2. La presse comme exhalaison de la démocratie.<br />

Cette influence néfaste est due au fait que la presse est d’abord une concession douloureuse à<br />

la démocratisation faite par l’auteur qui cherche par ce moyen à pouvoir vivre de sa plume. Pour<br />

1 Marie-Françoise Melmoux-Montaubin, « « Contes de lettres » et écriture de soi : la critique<br />

littéraire dans le journal au XIX° siècle » », Dir. Marie-Eve Thérenty et Alain Vaillant, Presse et<br />

plumes, Journalisme et littérature au XIX° siècle, Nouveau monde éditions, collection Culture-médias,<br />

Etudes de presse, 2004, p. 482.<br />

2 Ibid.<br />

3 Le Mercure de France, n° 25-28, tome IV, janvier-avril 1892, p. 360.<br />

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