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— Jarry influencé par Tristan Bernard ?<br />

Que l’alcool puisse être intensément moins dangereux que l’eau est ainsi une idée qui<br />

n’appartenait pas en propre à Jarry. L’on peut être plus précis encore et dire qu’il l’a semble-t-il<br />

empruntée à Tristan Bernard. Il ne faut de ce fait pas minimiser la part d’influence qu’a pu avoir<br />

la littérature sur Jarry dans la formalisation de cette conception, qui en définitive a pour objet de<br />

combattre les préceptes de l’hygiénisme.<br />

En effet, toute la conception de l’eau propre à Jarry, si elle peut trouver quelques prémisses<br />

avant 1897, semble néanmoins découler en une certaine manière d’ « Une semaine bien remplie »<br />

de Tristan Bernard (1866-1947), conte paru dans Contes de Pantruche et d’ailleurs avec des<br />

« illustrations de F. Vallotton » chez F. Juven en 1897 (cette œuvre ne devait sûrement pas être<br />

inconnue de Jarry, car l’on connaît l’attachement important de l’auteur de La Chandelle verte aux<br />

œuvres de Bernard) : « Quelle fatalité de boire de l’eau minérale à ses repas ! On n’ignore pas que<br />

des colonies microbiennes (très élégantes) s’introduisent dans les eaux minérales, pendant la<br />

décantation et la gazéification (Comptes rendus de l’Académie de médecine, séance du 28 mars 1894). Le<br />

baron Barron s’était mis résolument au régime de l’eau bouillie. Aussi, ça n’a pas traîné. L’eau<br />

bouillie est des plus indigestes. Au bout de trois semaines, l’estomac du baron se ballonna, son<br />

intestin grêle s’enfla et se travailla, pour égaler le gros intestin en grosseur. Il s’enfla tant que le<br />

baron en mourut. Vendredi, un petit groupe d’amis l’accompagnait au four crématoire. Avec<br />

Godeau, j’étais tranquille. Il ne buvait que du vin. Et pourtant, samedi, nous avons conduit<br />

Godeau au Papa-Lachaise ! Il ignorait, cet homme confiant, qu’il avait pour vigneron un<br />

capricieux dilettante, baptisant son vin tour à tour avec de l’eau de puits, de l’eau de rivière, de<br />

l’eau filtrée, de la vieille eau minérale, et même avec de l’eau de vaisselle, en manière d’eau<br />

bouillie. 1 »<br />

Le conte de Bernard semble naître quant à lui d’un fragment de Voyage en Orient (1851) de<br />

Nerval, que connaissait également certainement Jarry, étant donné la façon dont cet ouvrage a pu<br />

l’influencer 2 : « […] il faisait des expériences chimiques sur les diverses eaux des fleuves, des lacs<br />

ou des sources, et y démontrait, dans le résidu produit par l’évaporation, des substances nuisibles<br />

à la santé humaine. Il est bon de dire que le but principal du docteur, en dépréciant l’usage de<br />

l’eau, tendait à obtenir du gouvernement un privilège de brasserie impériale. 3 »<br />

1 Tristan Bernard, Contes de Pantruche et d’ailleurs, Éditions Garnier Frères, 1979, p. 32.<br />

2 Voir Julien Schuh, Alfred Jarry, Le Colin-Maillard cérébral, étude des dispositifs de diffraction du sens,<br />

Thèse de doctorat, Paris IV, 2008, p. 245, 450-451, 495, 501.<br />

3 Gérard de Nerval, Voyage en Orient, Œuvres complètes, II, édition publiée sous la direction de Jean<br />

Guillaume et de Claude Pichois, Gallimard, collection Bibliothèque de la Pléiade, 1978, p. 656.<br />

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