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Cette symbiose entre texte et images amène le lecteur à concevoir idéalement l’illustration<br />

comme le « propre fantôme qui s’évoque des rythmes à mesure de la lecture », ce que montre de<br />

façon exemplaire, pour Jarry, Parallèlement de Verlaine illustré par Bonnard. L’illustration est un<br />

écho de la lecture, accompagne agréablement le déferlement de l’imagination qui prend<br />

possession du texte, mais n’opère aucun ajout sémantique.<br />

Dans une moindre mesure, cette symbiose semble également visible, en ce qui concerne<br />

spécifiquement Jarry, dans des brouillons de Léda (voir la figure 2, p. 993 de cette édition critique<br />

et commentée), livret d’opérette écrit probablement vers 1899 (ou 1900) en collaboration avec<br />

Berthe Danville.<br />

Plusieurs cygnes sont dessinés par Jarry dans la marge ; or, le cygne est l’élément fondateur<br />

du livret puisque c’est l’apparence que prend Zeus pour se manifester aux hommes : le cygne est<br />

l’élément qui est le plus à même de se transmuer en dessin.<br />

Néanmoins, parmi tous les crayonnages qui surchargent la page et qui sont tous de la main<br />

de Jarry, semblant s’ébaucher au rythme de l’écriture, nulle coupe, nulle bouteille ne sont<br />

représentées alors qu’il est question de champagne dans l’extrait.<br />

En outre, si certains visages renvoient avec certitude aux personnages de la pièce, ce qui<br />

permet à Jarry de donner corps à des figures qu’il a juste esquissées (le principe de l’opérette étant<br />

de demeurer toujours en surface), mais non pour les figer dans des postures, uniquement dans<br />

une visée éminemment ludique, on peut penser qu’un certain nombre de masques ne renvoient à<br />

aucun protagoniste : ainsi apparaît, pour le moins inattendu, un petit facies du père Ubu.<br />

Aussi, la plupart des crayonnages, aussi « légers » que le sont ceux de Bonnard, ne naissent<br />

pas du texte, et, davantage encore, ne collent pas à lui.<br />

4. 3. Liberté du dessin jarryque.<br />

Si, comme le remarque Mallarmé dans une note d’octobre 1875, les « dessins d’hommes de<br />

lettres ont toujours un attrait exceptionnel pour le public qui croit voir […] comment l’image,<br />

indépendante des mots et de la beauté de la phrase, se présente, nue, à l’esprit du poète ou du<br />

romancier 1 », il apparaît que Jarry dessine librement.<br />

Il y a un plaisir du dessin qui est, avec force, apparent ici, semble-t-il 2 : les dessins sont la<br />

matérialisation de l’agréable et reposant mouvement d’arabesque de la main qui dessine,<br />

1 Les « Gossips » de Mallarmé, Athenaeum, 1875-1876, textes inédits présentés et annotés par Henri<br />

Mondor et Lloyd James Austin, Gallimard, 1962, p. 19.<br />

2 L’aspect ludique est ici primordial, comme du reste dans tout travail pictural opéré par Jarry.<br />

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