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ouvrages de l’esprit comme pour tout le reste. Il est clair que, dans dix années, et plus tôt peut-<br />

être, mon jugement sera faux ; mais les raisons sur lesquelles je l’ai appuyé seront encore justes. Il<br />

est vrai que personne alors ne s’en souciera : pièces et feuilletons seront tombés dans le plus<br />

profond oubli » 1 ».<br />

2. 3. 4. Incompréhension de la foule du public qui n’a pas de goût propre.<br />

Pour Jarry comme pour les symbolistes, il s’agit de s’opposer aux « complaisances de [la<br />

critique] des journalistes. 2 » Néanmoins, dans le même temps, il ne faut pas oublier, paradoxe<br />

insoluble, que la foule est considérée également comme n’ayant pas de goût propre, comme<br />

n’ayant comme goût que celui que lui dicte la presse.<br />

Dans Albert Samain (Souvenirs), Jarry précise que le « public » est « cet éternel tard-venu qui<br />

attend qu’on lui souligne ce qu’il faut lire […] 3 ». Car la figure de la foule se confond bien en tout<br />

point pour Jarry comme pour les auteurs de sa génération avec celle du public – Walter Benjamin<br />

dans « Sur quelques thèmes baudelairiens » remarque ainsi : « La foule – aucun objet ne s’est plus<br />

légitimement présenté aux écrivains du XIX° siècle. Au sein des larges couches sociales qui<br />

avaient pris l’habitude de lire, elle s’apprêtait à se constituer en public. 4 »<br />

La foule attend qu’on lui dicte ses opinions, ses choix esthétiques, ses goûts, parce qu’elle est<br />

inapte à la compréhension en matière d’art, c’est-à-dire à l’expression d’une intellection qui soit<br />

personnelle : « [d]evant un grand public, différemment, n’importe quel décor artiste est bon, la<br />

foule comprenant non de soi, mais d’autorité. 5 »<br />

Du reste son incompréhension est-elle à ce point flagrante que « [l]’art et la compréhension<br />

de la foule » deviennent parfaitement « incompatibles 6 », note l’auteur des Minutes : « [l]a foule ne<br />

comprend pas Peer Gynt, qui est une des pièces les plus claires qui soient ; elle ne comprend pas<br />

davantage la prose de Baudelaire, la précise syntaxe de Mallarmé. 7 »<br />

1<br />

Jean-Thomas Nordmann, « La « relation critique », La « relation critique » au XIX° siècle »,<br />

Histoire de la France littéraire, tome 3, Modernités, XIX°-XX° siècle, Presses universitaires de France,<br />

collection Quadrige, 2006, p. 476.<br />

2<br />

CARAMASCHI, p. 99.<br />

3<br />

OC III, p. 534.<br />

4<br />

Walter Benjamin, « Sur quelques thèmes baudelairiens », Œuvres III, Gallimard, collection Folio<br />

essais, 2000, p. 345.<br />

5 OC I, p. 406.<br />

6 Id., p. 417.<br />

7 Ibid.<br />

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