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« le contrecoup du mépris proclamé pour les basses œuvres du journal ; l’infériorité du support<br />

semble devoir rejaillir d’autant plus nécessairement sur elle, que les « articles » ou<br />

« feuilletonistes » ne cessent de se plaindre de l’esclavage auquel les réduit la presse. Produit de<br />

ces conditions de travail lamentables, soumise par ailleurs à l’indignité qui frappe la pratique du<br />

commentaire, la critique est d’ordinaire considérée comme une œuvre alimentaire, peu susceptible<br />

de favoriser l’expansion du génie. Écrite à la chaîne par un prolétariat des lettres qui ne l’a<br />

souvent pas choisie, elle partage avec la chronique les mêmes accusations de facilité ou de rapidité<br />

excessives. 1 » Et Marie-Françoise Melmoux-Montaubin de constater : « Ces remarques qui<br />

déconsidèrent le genre s’avèrent souvent préalables à la lecture et reposent sur un même préjugé,<br />

celui de la nécessaire adéquation de la critique journalistique à son support. 2 »<br />

Rarement, les critiques du Mercure de France ou de La Revue blanche citent un passage du prière<br />

d’insérer 3 (Jarry ne le fait jamais à notre connaissance) ; s’ils le font, c’est toujours en le précisant :<br />

constamment, les critiques laissent les auteurs responsables de leurs assertions, comme le signale<br />

Merki 4 . Jamais ils ne les considèrent comme allant de soi, ce que font les journalistes, et c’est<br />

peut-être ce que les auteurs critiques leur reprochent le plus. Si les critiques des petites revues<br />

citent un passage du prière d’insérer, c’est alors pour montrer toute la naïveté ou la prétention 5 de<br />

l’auteur.<br />

2. 3. 6. La critique journalistique différenciée de la critique universitaire pour les<br />

écrivains ?<br />

En outre, à travers la critique virulente adressée par les auteurs à la presse, ce ne sont pas<br />

seulement les comptes rendus épousant le goût du public, s’affirmant avec toute la platitude<br />

d’une réclame, qui sont stigmatisés mais également la façon qu’ils ont de permettre à la profession<br />

de critique de s’élaborer en étant séparée du domaine de la création : c’est en somme le distinguo<br />

entre créateurs et critiques, lequel fonde la critique de profession, qui est décrié, car jugé<br />

1<br />

Marie-Françoise Melmoux-Montaubin, op. cit.<br />

2<br />

Ibid.<br />

3<br />

Sur le prière d’insérer, voir Gérard Genette, Seuils, Éditions du Seuil, collection Points Essais,<br />

2002, p. 79, 108.<br />

4<br />

Merki écrit à propos du Premier amour de Pierrot d’Eugène Tavernier (Le Mercure de France, n° 19-<br />

24, tome III, juillet-décembre 1891, p. 247) : « « Pierrot, dit l’auteur dans sa prière d’insérer, avait<br />

déjà été représenté de beaucoup de manières, mais jamais amoureux ». J’aime à le laisser<br />

responsable de cette assertion. »<br />

5<br />

Ainsi, à propos d’Ephémérides et chansons de Claude Lauzanne (Savine), l’on peut lire dans Le<br />

Mercure de France (op. cit., p. 187) : « Dans la prière d’insérer qu’il envoie en même temps que son<br />

volume, l’auteur a écrit ceci : « Rien de remuant, d’empoignant ou de gracieux et aussi de lubrique<br />

comme ces poésies. » Quelle aberration ! Elles sont simplement soporifiques. »<br />

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