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Néanmoins, dans sa chronique intitulée « « Toomai des éléphants », par George d’Esparbès »,<br />

après avoir écrit : « […] un cerveau vraiment original fonctionne exactement comme l’estomac de<br />

l’autruche : tout lui est bon, il pulvérise des cailloux et tord des morceaux de fer », Jarry ajoute<br />

aussitôt : « Qu’on ne confonde point ce phénomène avec la faculté d’assimilation, qui est d’autre<br />

nature. Une personnalité ne s’assimile rien du tout, elle déforme ; mieux, elle transmute, dans le<br />

sens ascendant de la hiérarchie des métaux ». Pourquoi accorde-t-il autant d’importance à cette<br />

précision ? Pourquoi tient-il, et non pas du fait d’une seule remarque car il développera celle-ci<br />

aussitôt après, à s’opposer implicitement à cette parole de Goethe alors plusieurs fois reprise 1 et<br />

qu’il ne pouvait manquer de connaître puisque Gourmont la cite dans « La création<br />

subconsciente » : « [...] ce qu’il acquiert ne saurait jamais nuire en quoi que ce soit à son<br />

individualité originelle. Le génie par excellence est celui qui s’assimile tout, qui sait tout<br />

s’approprier sans préjudice pour son caractère inné 2 » ?<br />

Certes, pour Jarry, l’absorption ne suffit pas. Il faut que la connaissance soit « déform[ée] »,<br />

« transmut[ée] », autrement dit, pour reprendre un terme que l’on retrouve souvent à cette<br />

époque, il faut qu’elle « fermente ». Comme l’écrit Gourmont, « [l]’instruction a du moins cet<br />

avantage d’être de la connaissance généralisée, sublimée, et pouvant contenir, sous un petit<br />

volume, une grande quantité de notions ; mais, dans la plupart des esprits, cette nourriture trop<br />

condensée reste neutre et ne fermente pas. 3 »<br />

Mais s’il s’oppose à cette conception de Goethe, c’est aussi parce que pour Jarry le terme<br />

« assimilation » renvoie justement, peut-on penser, à la réalité, il est vrai alors partout présente, de<br />

la vulgarisation.<br />

Le docteur Th. Pascal note ainsi : « notre époque de vulgarisation à outrance […] porte la<br />

plupart des hommes réputés instruits à s’attribuer implicitement des facultés d’assimilation<br />

générale que nul ne possède en réalité, quelle que puisse être sa supériorité intellectuelle. 4 »<br />

Flammarion, vulgarisateur hors pair, est un parfait exemple de cette volonté décrite par<br />

Pascal : « [il] est un virtuose du réemploi et tout l’intéresse : médecine, anthropologie,<br />

psychologie, archéologie, paléontologie, criminologie, biologie, mais aussi magnétisme animal,<br />

spiritisme, occultisme. Le plus souvent, Flammarion articule les savoirs qu’il s’approprie aux<br />

dépens de leur intégrité et de leur pertinence ; soit qu’il en déplace le champ d’application<br />

1<br />

Voir notamment Docteur Paul Chabaneix, Physiologie cérébrale, Le Subconscient chez les artistes, les<br />

savants et les écrivains, « préface de M. le Docteur Régis », J.-B. Baillière & Fils éditeurs, 1897, p. 16.<br />

2<br />

Remy de Gourmont, op. cit., p. 37.<br />

3<br />

Id., p. 182.<br />

4<br />

Docteur Th. Pascal, Les Lois de la Destinée, Les Lois de l’Action. L’Action de la Providence. – L’Action<br />

de l’Homme. Les Résultats de l’Action., Publications théosophiques, collection Bibliothèque<br />

théosophique, 1904, p. X.<br />

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