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chronologiquement, demeurant purement hypothétique, de la même façon, le moment historique<br />

à venir, même pure virtualité, peut, en toute logique, lui redonner toute sa valeur.<br />

En outre, le cliché protège l’artiste du recours (tentant) aux modes, à l’air du temps, et ainsi<br />

l’empêche de vieillir, puisqu’il s’inscrit dans une forme d’atemporalité, le propre du cliché étant<br />

d’avoir été répété suffisamment de fois pour que son origine sinon se perde dans la nuit des<br />

temps du moins demeure invisible ; en l’utilisant, l’écrivain rejoint, d’une certaine façon, cette<br />

origine, cette zone de non contemporanéité absolue dans l’écriture qui en le protégeant du<br />

« moderne » l’empêche de fait de vieillir.<br />

Jarry n’aura de cesse de chercher à placer son œuvre hors du cours du temps comme il le<br />

proclame dans sa conférence « Le Temps dans l’art » ; aussi refuse-t-il en force l’idée de progrès<br />

puisqu’elle implique justement qu’un tel cours existe hors de quoi rien n’existe, donnant<br />

matérialité au temps en le segmentant de fait puisqu’elle le hiérarchise.<br />

Remarquons ainsi que l’utilisation que fait Jarry du « cliché » rejoint en tout point celle qu’il<br />

fait de l’ « anachronisme ». L’une et l’autre participent de la même logique, bien que les termes<br />

« cliché » et « anachronisme » soient apparemment opposés. Alors que le « cliché » nie son<br />

appartenance au temps en rendant celle-ci suffisamment floue pour que l’on ne puisse pas<br />

l’identifier autrement que suivant l’insistance et l’indifférenciation suivant lesquelles il se répète<br />

immuablement, au mépris de toutes les évolutions possibles, l’ « anachronisme » quant à lui<br />

proclame avec force son appartenance à un segment temporel, la rendant extrêmement sensible<br />

dans son point de rencontre et de contradiction avec un autre segment temporel qui lui donne<br />

justement son existence en lui donnant son appellation.<br />

Jarry, exactement comme il le fait avec le cliché, réhabilite l’ « anachronisme » en le destituant<br />

de son identité qui est justement de faire apparaître une frontière temporelle hors de quoi il se<br />

tient et qu’il rejoint pourtant. Chez Jarry, l’anachronisme n’est pas tel puisque son existence<br />

n’implique aucune contradiction, mais uniquement la fusion de deux segments temporels<br />

parfaitement distincts de telle sorte qu’ils semblent entièrement superposables.<br />

En somme, il s’agit ainsi avec l’anachronisme – exactement comme avec le « cliché » –, en<br />

faisant cette fois se rejoindre deux segments temporels distincts de telle sorte qu’ils semblent liés,<br />

de nier le fait que le cours du temps existe. C’est pourquoi tous les anachronismes chez Jarry ne<br />

sont pas immédiatement visibles (leur utilisation ne répondant nullement seulement à un souci de<br />

visibilité qu’implique une méthode de pensée travaillant au corps les paradoxes, l’anachronisme<br />

demeurant, par certains aspects, une forme particulière de paradoxe : même si Jarry nie<br />

implicitement cet aspect, celui-ci n’en demeure pas moins bien présent – visibilité hors de quoi la<br />

seule prise de conscience par le lecteur de l’identité du paradoxe ne peut pas, de fait, avoir lieu –,<br />

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