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générique : ne renvoyant pas, contrairement à ce que stipulerait la plus élémentaire logique, à tout<br />

« individu appartenant au genre humain 1 », il ne convient ainsi plus uniquement, pour Jarry, qu’à<br />

un individu de sexe masculin.<br />

En outre, Jarry ne pouvait manquer d’ignorer (et la suite de son compte rendu peut<br />

s’apparenter à une forme de développement de cette considération) que « l’hermaphrodisme<br />

moral » était alors inéluctablement rattaché à l’homosexualité, nommée alors (notamment)<br />

pédérastie, comme le résume en 1884 le docteur E. Gley dans « Les aberrations de l’instinct<br />

sexuel d’après des travaux récents » : « L’étude qui sera faite de la pédérastie, quoiqu’un peu<br />

rapide, suffira sans doute à […] dévoiler l’existence d’un état qu’on pourrait appeler<br />

l’hermaphrodisme moral ou psychique, par analogie avec l’hermaphrodisme physique. »<br />

De cet hermaphrodisme moral découlera la figure de l’androgyne que louera notamment<br />

Péladan 2 , archétype de la perfection, point d’équilibre forcément précaire quant à l’évolution<br />

personnelle (puisque l’androgyne est inéluctablement pour Péladan un jeune garçon) mais<br />

syn<strong>thèse</strong> du féminin et du masculin qui peut néanmoins être continuée d’une certaine manière par<br />

le biais du recours à une chasteté pensée comme volonté de préserver l’idiosyncrasie, en somme,<br />

forme qui se suffit à elle-même, ne pouvant être diminuée par les pertes fluidiques (quant à l’aura<br />

personnelle) qui constituent en propre la sexualité, et ne ressentant en outre nul besoin d’être<br />

complétée par un autre être, s’affirmant dans une unité que rien ne peut venir rompre, que rien ne<br />

peut augmenter, devenant ainsi l’image fantasmatique de la totalité.<br />

Si Jarry vante « l’amour socratique », dès, semble-t-il, son compte rendu d’ « Âmes solitaires »<br />

d’Hauptmann 3 , c’est du fait de la « primauté du Même » telle qu’explicitée par Emmanuel Lévinas<br />

dans Totalité et infini : celle-ci fut bien « la leçon de Socrate. Ne rien recevoir d’Autrui sinon ce qui<br />

est en moi, comme si, de toute éternité, je possédais ce qui me vient du dehors 4 », « [l]’idéal de la<br />

vérité socratique » reposant ainsi « sur la suffisance essentielle du Même, sur son identification<br />

d’ipséité, sur son égoïsme », la « philosophie » (et la littérature pour Jarry) devenant « une<br />

égologie 5 ».<br />

Remarquons que cette conception esthétique propre à la fin-de-siècle, partagée par un grand<br />

nombre d’artistes, est née très probablement du milieu scientifique puisque le docteur Philippe<br />

Maréchal, dans un ouvrage qui a beaucoup marqué Jarry, Supériorité des Animaux sur l’Homme,<br />

1 GDU, tome 9, p. 353.<br />

2 Voir Péladan, La Décadence latine, éthopée [VIII], L’Androgyne, « couverture de Séon, eau-forte de<br />

Point », E. Dentu, 1891 ainsi que Péladan, De l’androgyne : théorie plastique, E. Sansot et Cie, 1910.<br />

3 Voir OC I, p. 1003-1006 et particulièrement Id., p. 1004.<br />

4 Emmanuel Lévinas, Totalité et infini, Essai sur l’extériorité, Librairie générale française, collection Le<br />

Livre de poche, Biblio essais, 1990, p. 34.<br />

5 Id., p. 35.<br />

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