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pendant soixante-trois jours, avec beaucoup de soin, maquilla du calme uniforme du chaos la<br />

diversité impuissante des grimaces du Magasin national. 1 »<br />

Jarry développera cette notion de chaos dans son compte rendu de « Folies-Dramatiques :<br />

La Famille du brosseur, de M. Tristan Bernard » inséré dans La Revue blanche du 1 er février 1903 :<br />

« Nous n’avons point de critiques de ce genre à faire au vaudeville de M. Tristan Bernard, La<br />

Famille du brosseur, et notre joie y fut sans mélange, si cette expression peut être employée alors<br />

que l’hilarité naît de la « salade » la plus épileptiquement bouleversée. Epicure, qui était<br />

assurément en son temps un excellent vaudevilliste, expliquait la fabrication des mondes par des<br />

quiproquos entre atomes. Mais pour capricieuses que fussent les collisions de ceux-ci, elles ne<br />

réalisaient point encore d’enchevêtrements assez scéniquement embrouillés. C’est pour satisfaire<br />

à cette exigence dramatique que fut imaginé, ainsi qu’on sait, le clinamen. »<br />

Ce chaos fait bien sûr directement référence à la création du monde que relate Epicure au<br />

moyen de sa théorie du Clinamen 2 et à laquelle renvoie Jarry par la seule utilisation du terme<br />

« chaos 3 », puisque celui-ci signifie d’abord pour le GDU : « [c]onfusion générale des éléments, de<br />

la matière, avant la formation du monde ; les Grecs avaient d’abord donné ce nom à l’immensité<br />

de l’espace […] 4 ».<br />

Mais l’originalité apparente (qu’il faut interroger) de la pensée de Jarry tient au fait qu’il lie la<br />

création du monde (par l’utilisation du terme « chaos » qui fait office de raccourci comme nous<br />

venons de l’évoquer mais déjà en soi, et ce serait suffisant, par la mention du terme « Clinamen »<br />

qui renvoie indubitablement à la création du monde 5 ) et la fin de celui-ci, puisque l’auteur de<br />

Messaline décrit les mouvements de la « Machine à peindre » dans le chapitre « Clinamen » comme<br />

survenant « après qu’il n’y eut plus personne au monde, la Machine à Peindre […] tourna[n]t en<br />

azimut dans le hall de fer du Palais des Machines, seul monument debout de Paris désert et<br />

ras […] 6 ».<br />

Ainsi, dans une seule évocation, Jarry parvient à faire se superposer exactement les prémisses<br />

de la terre et son agonie correspondant au moment de la fin-de-siècle (le décadentisme supposant<br />

d’une certaine manière, en sa seule appellation, la fin des temps).<br />

Il se place ici résolument dans la lignée d’un roman comme Le Gaga de Dubut de Laforest<br />

paru en 1886 qui énonce : « Il semblait que les décors des civilisateurs, les raffinements du luxe,<br />

s’effondraient brusquement pour faire place aux lianes et aux fougères, aux rochers moussus, aux<br />

1 Ibid.<br />

2 Voir Cours Bergson, op. cit.<br />

3 OC I, p. 712.<br />

4 GDU, tome 3, p. 947.<br />

5 Voir Cours Bergson, op. cit.<br />

6 OC I, p. 714.<br />

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