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donnant corps, là encore, à une conception de Péladan –, une « pensée / [qui] fil[e] toujours le<br />

rouet des impossibilités 1 ».<br />

2. 9. La théorie du clinamen.<br />

2. 9. 1. Déviation autoritaire des atomes.<br />

Le refus de l’idée de progrès doit en outre être rapproché de la façon suivant laquelle Jarry<br />

énonce à plusieurs reprises au sein de son œuvre la théorie du Clinamen, qu’il a puisée dans les<br />

cours que lui a dictés Bergson en 1892-1893 et qu’il a notés avec beaucoup de soin. Il s’inspire<br />

plus précisément de la partie du cours consacrée à Epicure : « Il n’y a à l’origine que des atomes et<br />

du vide. Des atomes ont diverses formes : les uns sont ronds, les autres crochus, mais s’ils<br />

tombaient parallèlem[en]t d[an]s le vide, ils ne pour[r]aient jamais se remonter. Aussi Epicure, au<br />

mépris de t[ou]tes les données scientifiques, a ajouté un détail à la <strong>thèse</strong> de Démocrite, le<br />

clinamen : T[ou]t atome, par une sorte de liberté physique, a le pouvoir de dévier de la ligne droite.<br />

[…] Au point de vue moral, il en tirera sa théorie de la liberté, qui n’est autre qu’un clinamen<br />

moral, une puissance de déviation attribuée à l’âme comme aux atomes. 2 »<br />

L’idée que retient Jarry est bien « la puissance de déviation » de l’atome, le « pouvoir » qu’il a<br />

de « dévier de la ligne droite », en somme sa « liberté » altière. Car à cette déviation s’attache, pour<br />

Jarry, un jugement éminemment mélioratif, comme l’indique une première ébauche du « Linteau »<br />

des Minutes : « À mon sable se heurte le clinamen d’Heures amies, qu’il s’agglutine en sa chute<br />

autoritaire 3 ».<br />

Par cette considération, Jarry affirme un goût pour l’imprévu, pour la « dissonance » en<br />

somme, peut-être inspiré de ce passage du Traité du Narcisse, « théorie du symbole » d’André Gide<br />

parue à la Librairie de l’Art Indépendant en 1891 : « Car c’est un esclavage enfin, si l’on n’ose<br />

risquer un geste, sans crever toute l’harmonie. – Et puis, tant pis ! cette harmonie m’agace, et son<br />

1 Sar J. Péladan, La Décadence latine, éthopée [I], Le Vice Suprême, « XIII e édition conforme à la<br />

première, avec une préface inédite », Chamuel, 1896, p. 168.<br />

2 Cours Bergson, Cahier D, Ms 21133-B’-I-13 (5/6), Fonds Jacques Doucet, p. 120.<br />

3 Texte cité par Noël Arnaud, « Ubu pataphysicien », Ubu cent ans de règne, Musée Galerie de la<br />

Seita, 1989, p. 72 (nous corrigeons « arbitraire » par « autoritaire », d’après le manuscrit exploité<br />

pour l’édition des Œuvres complètes de Jarry aux éditions Classiques Garnier : voir Alfred Jarry,<br />

Œuvres complètes, sous la direction d’Henri Béhar, tome I, édition établie, présentée et annotée par<br />

Henri Béhar, Isabelle Krzywkowski et Julien Schuh, Classiques Garnier, à paraître, p. 633).<br />

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