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L’influence de Péladan reste néanmoins très peu visible, même dans Les Minutes ou Les Jours<br />

et les Nuits, car la terminologie 1 que Jarry emploie n’appartient pas exclusivement à l’auteur de<br />

Comment on devient mage (Jarry a sans doute lu beaucoup d’ouvrages ayant trait à l’occultisme).<br />

Mais de cette absence de visibilité l’on ne doit bien sûr pas déduire un désintérêt ou un<br />

manque d’intérêt de la part de Jarry. Péladan ne fut pas lu avec moins d’attention et d’intérêt que<br />

les auteurs nommément cités par Jarry ou appelés à occuper la sphère littéraire suivant la<br />

technique du collage. Simplement, la lecture de Péladan a été parfaitement assimilée.<br />

« [C]e qui fortifie un organisme, ce n’est pas ce qu’il reçoit, mais ce qu’il assimile 2 », écrit<br />

Péladan. « [C]ar », ajoute Jarry dans Les Jours et les Nuits, « servir les aliments à l’esprit broyés et<br />

brouillés épargne le travail des oubliettes destructrices de la mémoire, et l’esprit peut d’autant plus<br />

aisément après cette assimilation recréer des formes et couleurs nouvelles selon soi. Nous ne<br />

savons pas créer du néant, mais le pourrions du chaos 3 ». De ce « chaos » né de la lecture, Jarry a<br />

écrit, peut-on penser, Les Minutes ou Les Jours et les Nuits.<br />

Cette assimilation permet à ces œuvres de porter la trace de l’univers de Péladan sans pour<br />

autant devenir plus composites qu’elles ne le sont déjà. L’on peut penser que le bloc Péladan<br />

n’aurait pu être adjoint, même fragmenté, à l’œuvre de Jarry sans que celle-ci en subisse quelques<br />

dommages (lesquels n’auraient pas été forcément inintéressants).<br />

L’auteur de La Décadence latine vaut pour l’hétérogénéité patente (résultant de la concrétion de<br />

différents univers) qu’affiche son œuvre et qui lui fut reprochée dès ses débuts par Barbey<br />

d’Aurevilly. Loin d’écouter les conseils de Barbey d’Aurevilly, Péladan, qui l’admirait pourtant,<br />

s’engouffra dans la voie qu’il avait tracée, et qui était la seule où il pût s’épanouir. Le Petit Bottin des<br />

Lettres & des Arts, rédigé par Paul Adam, Félix Fénéon, Oscar Méténier et Jean Moréas, et publié<br />

en 1886 à Paris chez E. Giraud & Cie, va jusqu’à parler de « fatras 4 » en ce qui concerne Curieuse !.<br />

Pourquoi cette hétérogénéité ? Le mage et l’écrivain s’excluent l’un l’autre, le flux mystique<br />

vient s’opposer sans cesse plus qu’il ne vient s’adjoindre à celui de l’idéalisme sentimental,<br />

l’intrigue ne prend que dans le premier volume la peine de se déployer, les autres volumes n’étant<br />

1<br />

Voir notamment Les Jours et les Nuits (Bouquin, p. 614, 615). L’attention que voue Jarry au corps<br />

astral fait écho à cette phrase de L’Androgyne : « Notre corps astral flotte souvent très loin de<br />

notre corps organique » (Péladan, La Décadence latine, éthopée [VIII], L’Androgyne, op. cit., p. 47).<br />

En outre, le « corps hyperphysique » mentionné dans Les Minutes (Bouquin, p. 26) rappelle<br />

« l’attention tendue vers l’hyperphysique » décrite par Péladan dans Istar (voir Péladan, La<br />

Décadence latine, éthopée [V], Istar, op. cit., p. 51).<br />

2<br />

Péladan, La Décadence latine, éthopée [VIII], L’Androgyne, op. cit., p. 125.<br />

3<br />

Bouquin, p. 572.<br />

4<br />

Petit Bottin des Lettres & des Arts, Du lérot éditeur, collection « d’après nature », 1990, p. 108.<br />

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