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situent bien au-delà. Si le lecteur n’a pu assister à la représentation, l’ouvrage remplace celle-ci<br />

sans perte, comme le sous-entend Jarry dans son compte rendu de La Bourse ou la Vie d’Alfred<br />

Capus, ce qui signifie que tout ce qui constitue la mise en scène (en somme les décors, le jeu des<br />

acteurs, l’intonation de la voix, les costumes…) n’a pas de sens constitutif de la pièce, de par<br />

notamment l’actualisation des didascalies, n’a pas de valeur sémantique quant au texte mais est<br />

simplement un artifice que le lecteur peut aisément remplacer par les ressources insoupçonnables<br />

de son imaginaire : « Sous couverture en couleurs de Cappiello, voici, publiée, cette pièce […].<br />

Tous ceux qui l’ont applaudie au théâtre du Gymnase voudront savourer à loisir la cause de leur<br />

joie, et ceux qui par quelque hasard n’y assistèrent point répareront leur absence. 1 »<br />

Mais Jarry va plus loin encore. La pièce, comme nous l’avons déjà remarqué, appelle ainsi<br />

bien la lecture plutôt que la représentation, du moins dans l’esprit de Jarry, même si parfois cela<br />

tient aux contingences : « Mon absence prolongée jusqu’au dénouement prévu et fâcheux<br />

(enterrement, etc.) a dépassé, je crois, Le Vendeur de soleil. […] Mais si je n’ai pu assister à la<br />

représentation, je serais heureux, quoique ayant déjà lu la pièce, d’avoir le volume, s’il en reste en<br />

librairie, du Mercure de France […] 2 »<br />

C’est en cela que le théâtre peut devenir absolu – Jarry ici donnant écho à l’étymologie solutus<br />

signifiant « dégagé 3 », absolu étant perçu par l’auteur du Surmâle comme ce qui est « [i]ndépendant<br />

[…] de tout accident, qui subsiste par lui-même 4 » selon la définition qu’en donne le GDU, en<br />

somme comme ce qui est dégagé de toutes les contingences et des hasards à quoi se résume une<br />

représentation (c’est pour cette raison en partie que Jarry optera pour les marionnettes en ce qui<br />

concerne les représentations, pour ce qui est du Théâtre des Pantins, afin de pouvoir maîtriser,<br />

autant que faire se peut, tous les paramètres de celles-ci) –, comme l’écrit l’auteur de Messaline à<br />

Édouard Dujardin le 27 juin 1899 : « Je suis peu excusable d’avoir tardé tant à vous témoigner le<br />

plaisir ressenti à la lecture d’Antonia. Je n’avais point assisté aux représentations et ce fut pour moi<br />

une chose toute neuve. Merci avec tout l’enthousiasme possible de cette révélation de ce que je<br />

crois du théâtre absolu. 5 »<br />

L’absolu ici tient en outre, peut-on penser, à la façon suivant laquelle est exhalée chez<br />

Dujardin « la création unique des charnalités 6 » (nous soulignons), au travers d’une volonté de<br />

donner corps par le langage à la fusion de deux êtres, ce qui est frappant dans le travail de<br />

1<br />

Ibid.<br />

2<br />

OC I, p. 1039.<br />

3<br />

Voir GDU, tome 1, p. 35.<br />

4<br />

Ibid.<br />

5<br />

OC I, p. 1074.<br />

6<br />

Édouard Dujardin, À la gloire d’Antonia, Librairie universelle, collection Anthologie<br />

contemporaine des écrivains français et belges, série 3, volume 34, n° 10, 1888, p. 3.<br />

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