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Or, « l’ « oncle » Sarcey (mort en 1899) exerça pendant une bonne trentaine d’années une<br />

espèce de royauté sur la critique dramatique qu’il pratiqua d’abord à L’Opinion nationale puis au<br />

Temps à partir de 1869. 1 »<br />

De ce fait, à travers ce mépris pour le journaliste qu’est Sarcey, il s’agit pour Jarry de<br />

stigmatiser de manière implicite la façon, perceptible en creux dans tout l’ouvrage de France, dont<br />

un « simple » journaliste peut s’affirmer comme le dieu qui tire les ficelles de la destinée de<br />

l’acteur, le précipitant dans la sorte de déchéance qui consiste à devoir chercher à tout prix de<br />

petits rôles pour survivre ou bien dans la reconnaissance, jusqu’à l’acmé de la réussite.<br />

Le journaliste, et Sarcey incarne (ne serait-ce que fantasmatiquement) la figure du grand<br />

critique de théâtre, apparaît comme le dieu qui, de par son bon vouloir, son caprice, son attention<br />

et son inattention, d’un simple billet régit le destin d’acteurs vouant leur vie à l’art et aux<br />

difficultés qui y sont rattachées, tant matérielles que d’expression, dans la quête jamais achevée<br />

d’une singularité pouvant les jucher au-dessus de la mêlée.<br />

En somme, tout le recueil de souvenirs de France n’est qu’une illustration de la façon dont<br />

une vie d’artiste peut être modelée par le regard du critique professionnel, « moqu[é], courtis[é] et<br />

redout[é] à la fois pour une même raison : [son] jugemen[t] n’affectai[t] pas seulement l’amour-<br />

propre des auteurs. Susceptibl[e] d’influer sur le succès des pièces et des livres, i[l] avai[t] une<br />

incidence directe sur les revenus des gens de lettres. 2 »<br />

4. Jarry écrivait dans son compte rendu du livre de Sarcey Quarante ans de théâtre dans La Revue<br />

blanche du 1 er avril 1901 : « Théâtre, du haut de son fauteuil, quarante ans il t’a contemplé... »<br />

Il est vrai que Sarcey était réputé pour faire corps avec son fauteuil lors des représentations,<br />

« endormi qui se réveillait [parfois] brusquement 3 », ainsi que l’écrit Gustave Kahn dans sa<br />

préface de Le Semeur d’idéal d’Albert Fua (1901).<br />

Jarry écrira, désignant sans le nommer celui-ci, peut-on penser, dans sa chronique « Le droit<br />

de critique » parue dans La Revue blanche du 1 er août 1902 : « C’est fort judicieusement que des cri-<br />

tiques célèbres adoptèrent la coutume, on s’en souvient, d’assister aux premières représentations<br />

paupières closes, attitude d’après laquelle seuls des voisins inconsidérés ont cru pouvoir<br />

diagnostiquer le sommeil. » Il ajoute dans ce même texte spéculatif : « En un mot, […] au théâtre<br />

on écoute comme on s’assied. »<br />

1<br />

LEROY BERTRAND-SABIANI, p. 297.<br />

2<br />

Ibid.<br />

3<br />

Albert Fua, Le Semeur d’idéal, « drame en quatre actes », préface de Gustave Kahn, deuxième<br />

édition, Bibliothèque de la Plume, 1901, p. 17.<br />

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