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Mais comme il ne pourra saisir cette « traînée de feux », celle-ci demeurant « virtuelle », le<br />

lecteur sera toujours placé dans une posture d’infériorité notable par rapport à l’auteur qui est<br />

entièrement responsable, en pleine conscience et intentionnalité (et c’est en cela que Jarry se<br />

détache du propos de Mallarmé 1 ), des « reflets réciproques » des mots. Si « au moment de<br />

l’écriture » l’auteur n’a pu « dire TOUT, ce qui serait absurde », il a néanmoins articulé en propre<br />

« le plus du nécessaire (que jamais d’ailleurs le lecteur ne percevra total) 2 ».<br />

En outre dans Divagations est-il établi qu’un mot peut ne pas « éli[re] […] précisément de<br />

sens 3 », alors que le propos du « Linteau » est justement de montrer qu’il n’en est rien, le sens, s’il<br />

est multiple, n’en étant pas moins précis, quand bien même le lecteur ne peut, de fait, s’en rendre<br />

compte : « Tous les sens qu’y trouvera le lecteur sont prévus, et jamais il ne les trouvera<br />

tous […] 4 ». L’auteur est à ce point supérieur au lecteur qu’il peut dissimuler un sens exprès pour<br />

chaque lecteur, sans connaître celui-ci : « Dans une œuvre écrite, qui sait lire y voit le sens caché<br />

exprès pour lui […] 5 ».<br />

L’auteur vivant s’affirme ainsi pour Jarry comme infiniment supérieur à toute instance lui<br />

étant seconde, à savoir le lecteur (le critique se révélant d’abord être un lecteur), son œuvre<br />

apparaissant comme la concrétisation non figée (du fait de la non clôture de l’œuvre complète) de<br />

l’infini en puissance matérialisé, fût-ce de façon abstraite, par son corps astral.<br />

D’où l’impossibilité de la critique, ce qui permet à Jarry de pratiquer une critique impossible,<br />

adoptant l’apparence du critique et en réalité proclamant en creux la faillite de sa posture, la<br />

revêtant, du fait de l’outrance qui la caractérise, avec une infinie distance qui, même<br />

invisiblement, ne peut que marquer, en étant vraiment sondée, l’ambition dissimulée de son<br />

auteur.<br />

3. 4. 6. Rejet invisible de Bergson.<br />

Jarry écrit également dans le « Linteau » : « Il est bien d’avoir fréquenté chez les siècles divers<br />

des philosophes, pour apprendre 1° l’absurdité de répéter leurs doctrines, qui, récentes, trainent<br />

aux cafés et brasseries, plus vieilles, aux cahiers des potaches ; 2° et surtout, la double absurdité<br />

1 L’on a souvent montré à quel point Mallarmé avait pu influencer Jarry dans le « Linteau » des<br />

Minutes mais il ne faut pas minimiser la façon suivant laquelle il se détache de cette influence.<br />

2 OC I, p. 173.<br />

3 Mallarmé, op. cit., p. 304.<br />

4 OC I, p. 172.<br />

5 Id., p. 406.<br />

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