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Si le corps, qu’il soit masculin ou féminin, renvoie inéluctablement à la pierre (« Et les flots<br />

de pierre le couvrent entier 1 », est-il tracé dans « Le miracle de Saint-Accroupi » placé au sein des<br />

Minutes), c’est parce qu’il s’agit, pour Jarry, de le dénuer de tout principe sexuel, de toute intimité<br />

possible, ce qui ne signifie pas un désaveu duquel naîtrait l’impossibilité du sentiment amoureux.<br />

L’amour est bien au contraire, paradoxalement, indubitablement rattaché à la thématique de<br />

la statuaire : « Tombez, dernier délai des destins sous les arbres ; / Tournez vers le repaire et les<br />

palais de marbres / Ondoyants et veinés sous les amours futures 2 », écrit Jarry dans La Revanche de<br />

la nuit.<br />

Et cela parce que le corps lorsqu’il est beauté s’apparente invariablement à la statue :<br />

« [L’Incube] dort, son corps, son corps d’émail aux veines bleu de Sèvres, repose très calme dans<br />

le grand lit sombre 3 » (Les Minutes).<br />

En somme la beauté n’est-elle beauté que dans son refus proclamé de l’éphémère et de<br />

l’intimité. C’est seulement, paradoxe insoluble, lorsque le corps se fait statue que l’amour<br />

(l’intimité n’étant alors qu’une déclinaison de la chasteté) est possible : surgit l’amour pour Jarry<br />

uniquement lorsque l’on reconnaît que la beauté qui constitue le corps n’a pas trait à la sexualité, à<br />

une intimité possible (la statue est le principe qui interdit tout rapprochement), mais à un principe<br />

d’éternité (et l’amour est justement pour Jarry ce qui permet, par le biais de l’« adelphisme », de<br />

rejoindre l’éternité en vivant véritablement la « nostalgie ») qui ne peut être reconnu comme tel<br />

que par le biais du livre qui l’actualise en le figeant. « Votre vivante statue de luisant ébène et<br />

d’émeraude adamantine, et les pustules coralliaires du triangulaire dieu des jardins 4 », écrit par<br />

exemple Jarry dans César-Antechrist.<br />

— Une mobilité contenue dans l’immobilité.<br />

L’auteur du Surmâle va jusqu’à insister dans Les Minutes de façon plus flagrante encore sur<br />

cette distance qu’exprime le corps dans sa présence – son recul ne pouvant être aboli puisqu’il est<br />

jeté à la vue suivant une structure qui interdit sinon tout rapprochement du moins toute intimité<br />

–, associant la barbe à un principe d’immobilisation sculpturale : « Sa barbe de fleuve jusqu’à ses<br />

genoux épand et déroule, déroule sa houle, sa houle de pierre. 5 »<br />

1 Id., p. 174.<br />

2 Id., p. 256.<br />

3 Id., p. 177.<br />

4 Id., p. 341.<br />

5 Id., p. 174.<br />

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