30.06.2013 Views

thèse

thèse

thèse

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

L’utilisation que fait Jarry du « raccourci », en ce qui concerne les différentes modalités de<br />

l’expression du savoir, ouvre, de facto, sur l’obscurité, – ainsi que les exemples de la « carcasse de<br />

Raphael [sic] » dans « La Vue » (Les Minutes de sable mémorial) et de la chronique « Le recensement »<br />

(La Revue blanche) le montrent –, et ce avec une permanence notable, avec une grande continuité<br />

eu égard à la chronologie et indépendamment de l’évolution que Jarry fait adopter à son style<br />

(puisque Les Minutes paraît en 1894 et que « Le recensement » est publié en 1901 et que les deux<br />

textes sont, si l’on peut dire, situés stylistiquement à l’opposé l’un de l’autre).<br />

Néanmoins, pour Jarry lui-même, tel qu’il peut l’exprimer au sein de ses œuvres, le raccourci,<br />

qu’il ait trait à la restitution des savoirs ou bien aux modalités d’apparition de la citation (directe<br />

ou indirecte), semble tout au contraire être un principe de clarté (c’est pour cette raison, peut-on<br />

penser, qu’il remplace ce terme par celui de « syn<strong>thèse</strong> »), de clarification, de simplification.<br />

Remarquons que la volonté qui porte Jarry de vouloir faire du raccourci (notion jarryque<br />

centrale pour envisager l’œuvre comme le fait du corps astral et par conséquent le fait du Dieu<br />

qu’est l’auteur en s’affirmant tel, c’est-à-dire en se plaçant résolument hors des contours, des<br />

définitions, des limites, ainsi que nous le verrons) un éveilleur de simplicité et de totalité et son<br />

souci constant de s’en servir comme instrument d’obscurité (fût-elle dissimulée) ne forment pas<br />

un apparent insoluble paradoxe puisqu’il n’y a de totalité qu’en lien avec l’idiosyncrasie de celui<br />

qui la prend en considération, en l’occurrence Jarry, l’œuvre n’existant pas, suivant les principes<br />

de l’impressionnisme critique et de l’idéalisme, en elle-même mais faisant exister le lecteur face à<br />

lui-même, celui-ci venant cueillir, son regard plongeant dans le tissu de l’œuvre, sa propre image,<br />

son intériorité existant, par le biais de la lecture, au travers du prisme d’une parole réveillée.<br />

Ainsi, Jarry, dans son texte sur Filiger, fait ainsi suivre immédiatement « […] le principe de<br />

syn<strong>thèse</strong> (incarné particulier), l’idée ou Dieu » de la formulation « [l]a simplicité est harmonie 1 »,<br />

arguant ainsi qu’il y a un lien ontologique entre syn<strong>thèse</strong> et simplicité.<br />

Ce faisant, l’auteur des Minutes renverse la conception qu’a Lautréamont de cette dernière<br />

dans Les Chants de Maldoror, celui-ci écrivant : « afin d’être plus clair (car, jusqu’ici je n’ai été que<br />

concis […]) 2 », puis : « Hélas ! je voudrais développer mes raisonnements et mes comparaisons<br />

lentement et avec beaucoup de magnificence (mais qui dispose de son temps ?), pour que chacun<br />

comprenne davantage 3 ».<br />

En effet, Jarry ne cesse de répéter que le « raccourci », lequel s’opère par prélèvement<br />

décontextualisé, est suffisant pour recréer l’intégralité du sens, et ainsi qu’il n’est nullement besoin<br />

1 OC I, p. 1024.<br />

2 Comte Lautréamont, Les Chants de Maldoror, « Chants I, II, III, IV, V, VI », frontispice de José<br />

Roy, L. Genonceaux éditeur, 1890, p. 229.<br />

3 Id., p. 252.<br />

60

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!