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Néanmoins l’altérité est un savoir latent parce qu’elle appelle très fortement cette<br />

caractérisation sous forme de savoir : elle porte en elle la promesse d’une science, de par son<br />

étrangeté (appelant à être résolue en figure à soi quotidienne) fondamentale qui devient ainsi<br />

fondatrice d’un questionnement, et par conséquent d’une « vérité ».<br />

1. 2. La claustration de l’élite.<br />

1. 2. 1. Systématisation de la critique d’amitié.<br />

S’il s’agit, pour Jarry, de nier constamment l’altérité en tissant l’apologie du Même, c’est en<br />

premier lieu, comme nous l’avons déjà signifié, parce qu’il a publié nombre de critiques que l’on<br />

appelle ordinairement critiques d’amitié, c’est-à-dire recensions bienveillantes d’ouvrages émanant<br />

d’amis qui sont aussi l’occasion pour lui de rendre hommage à leur œuvre, d’affirmer sa filiation<br />

avec ces auteurs à travers la prédominance de son goût.<br />

Ces comptes rendus permettent à Jarry de célébrer des auteurs desquels il se sent proche en<br />

même temps que d’affirmer publiquement (dans la sphère de visibilité restreinte constituée par<br />

son milieu littéraire) sa filiation avec leur œuvre, à travers son goût qu’il proclame.<br />

« En ce qui concerne les œuvres littéraires, […] nous ne pouvons parfois que bien<br />

difficilement faire le départ entre des comptes rendus louangeurs qui sont un sincère hommage<br />

aux facultés créatrices d’un écrivain et ceux qui naissent d’une politesse rendue à des amis 1 », écrit<br />

Henri Bordillon. Il faut néanmoins y voir bien davantage qu’une série de politesses rendues à des<br />

pairs. En commentant de façon louangeuse des ouvrages d’amis dont il apprécie par ailleurs<br />

l’œuvre, Jarry manifeste son souhait de fonctionner en vase clos, de donner matériellement corps,<br />

par le biais de la série de comptes rendus, au groupe littéraire au sein duquel il évolue et entend se<br />

maintenir, qu’il reconnaît comme le plus proche de lui, ainsi que nous l’avons déjà souligné.<br />

Il vise ainsi à se situer au sein du « [p]etit nombre des élus » et à « dénombrer » celui-ci<br />

(comme en témoigne avec force Faustroll), et cherche à développer jusque dans la sphère<br />

spécifique des comptes rendus l’idée propre à une élite littéraire dont il cherche ardemment à<br />

faire partie, idée qui n’appartenait pas seulement à Jarry mais qui était alors répandue, et que<br />

synthétisera de façon exemplaire Camille Mauclair dans Le Soleil des morts : « Nous avons le sort de<br />

toutes les élites, mon ami 2 » ; « [l]’élite, oui, enfermée dans son sanctuaire, et hors la vie 3 » ; « un<br />

sort admirable et sans espoir : nous vivons entre nous, nous serrons les rangs, nous écartons les<br />

1 OC II, p. 942.<br />

2 Romans fin-de-siècle, 1890-1900, textes établis, présentés et annotés par Guy Ducrey, Robert<br />

Laffont, collection Bouquins, 1999, p. 907.<br />

3 Id., p. 876.<br />

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