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12. Jarry s’est interrogé à plusieurs reprises sur la légitimité de « la distinction du bien et du mal<br />

gravée dans le bois de l’arbre de science 1 », c’est-à-dire dans la genèse biblique.<br />

Il a cherché à faire affleurer, comme il est dit dans Faustroll, « la formule du principe<br />

d’identité : une chose est elle-même. […] [C]’est l’idée de l’unité. Lentement, de la dualité, de<br />

l’écho, de la distance, de la symétrie, de la grandeur et de la durée, des deux principes du bien et<br />

du mal. 2 » Aussi le mal, ainsi qu’il est énoncé au sein de ce roman « néo-scientifique », est-il<br />

« symétrique et nécessaire reflet du bien, qui sont uniment deux idées, ou l’idée du nombre<br />

deux 3 ».<br />

Si le bien et le mal sont l’idée « du nombre deux », cela sous-entend qu’ils ne sauraient être<br />

distingués, renfermés qu’ils sont dans le même chiffre, étant inclus, en somme, dans la réalité d’un<br />

seul chiffre, n’étant ainsi plus, de fait, « deux idées ».<br />

Cette situation en parfait miroir, sans, de ce fait, hiérarchisation possible, du mal et du bien<br />

amène Jarry, dans sa volonté de « pioche[r] et déterre[r] le vrai par-delà l’écorce de fer des<br />

contraires 4 » affichée dès son texte critique sur « Gerhart Hauptmann », à proclamer la parfaite<br />

identité des contraires que sont ces deux entités transmuables en une seule, ce qu’il s’attache à<br />

faire dans César-Antechrist, puisque c’est au sein de cet ouvrage, affirme-t-il, que « se trouve la<br />

seule démonstration pratique […] de l’identité des contraires 5 ».<br />

Cette volonté jarryque est à mettre fortement en parallèle avec l’affirmation d’Eugène de<br />

Roberty dans Frédéric Nietzsche, Contribution à l’histoire des idées philosophiques et sociales à la fin du XIX°<br />

siècle, ouvrage publié en 1902, ce qui prouve que si Jarry n’a pu, de fait, être influencé par Eugène<br />

de Roberty, cette idée était singulièrement dans l’air du temps (ce que tend également à prouver la<br />

seule formulation du titre : Contribution à l’histoire des idées philosophiques et sociales à la fin du XIX°<br />

siècle) : « l’opposition absolue du mal au bien, ou de l’erreur à la vérité […] tombe sous la loi<br />

logique de l’identité des contraires 6 », loi à laquelle Jarry était très attaché du fait de sa lecture<br />

attentive de Dogme et rituel de la haute magie d’Eliphas Lévi (semblable influence ayant également pu<br />

façonner, en partie, la pensée d’Eugène de Roberty) : « [L]es paradoxes opposés se réfutent l’un<br />

1<br />

Alfred Jarry, Gestes et opinions du docteur Faustroll pataphysicien, « roman néo-scientifique », édition<br />

[établie et] annotée par une transcommission exceptionnelle du Cymbalum pataphysicum,<br />

[Sermiers], Cymbalum pataphysicum [Collège de Pataphysique], 1985, p. 328.<br />

2<br />

Id., p. 249.<br />

3<br />

Id., p. 330.<br />

4<br />

OC II, p. 578.<br />

5<br />

OC I, p. 730.<br />

6<br />

Eugène de Roberty, Frédéric Nietzsche, Contribution à l’histoire des idées philosophiques et sociales à la fin<br />

du XIX° siècle, Félix Alcan, collection Bibliothèque de Philosophie contemporaine, 1902, p. 84.<br />

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