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7. Jarry ne décrit en rien la façon suivant laquelle le camelot utilise l’électricité, se contentant de<br />

nommer celle-ci, en suggérant toutefois avec force sa puissance se confondant (en partie du<br />

moins) d’une part avec sa relative omniprésence (« il y a ajouté partout l’électricité ») et d’autre<br />

part avec son autosuffisance (« supprimé à peu près tout le reste »).<br />

Remarquons comme le fait Jacques Noiray à propos des Voyages Extraordinaires de Jules<br />

Verne que « [l]’électricité n’a [ainsi] pas besoin, pour être efficace, d’être soumise à un ensemble<br />

d’appareils précis et vraisemblables. Il lui suffit de paraître et d’être nommée, opération purement<br />

magique qui confirme le caractère non scientifique mais surnaturel de l’électricité […] 1 ».<br />

En conséquence, si l’électricité incarne le progrès (voir la note 6), elle ne perd rien pour<br />

autant de « son aura magique et mystérieuse qui la prédestine à un rôle théâtral ou romanesque 2 »,<br />

d’où son utilisation par le camelot, que met fortement en évidence Jarry en évoquant allusivement<br />

les raisons de cette appropriation.<br />

Remarquons que Jarry développe à deux reprises, sous une forme toujours synthétique, cette<br />

idée de l’électricité comme atour indispensable d’une apparition lorsque celle-ci se doit de susciter<br />

l’admiration, la fascination, dans L’Amour en visites (au sujet de la muse) : « Elle, ouvrant la porte :<br />

Me voici. On entend des cloches sonner. Elle est debout sur le seuil. Elle est nue. Une ceinture de chasteté entoure<br />

ses flancs, un peu maigres, et sur le triangle de son sexe est un triangle d’argent bosselé de perles d’où partent des<br />

rayons électriques 3 » et dans l’ « opérette bouffe en un acte » Léda (au sujet de « Dzeus ») : « Fanfare à<br />

l’orchestre. Projections électriques. Dzeus paraît costumé en cygne. 4 »<br />

Remarquons que ces deux apparitions sont d’emblée rattachées à la notion de divin, et<br />

qu’elles sont l’une et l’autre en une certaine part inséparables (les Muses étant dans la mythologie<br />

grecque les neuf filles de Mnémosyne et de… Zeus), quand bien même elles sont très<br />

ouvertement séparées puisqu’elles appartiennent à des œuvres extrêmement distinctes (par les<br />

genres, les sujets, l’intention auctoriale, mais aussi, eu égard à la vie de leur auteur et à<br />

l’immanquable – mais tonitruante – évolution stylistique qui l’épouse, d’un seul point de vue<br />

chronologique…).<br />

Jarry ne fait néanmoins pas que rendre perceptible ce lien au moyen de la survenue de<br />

l’électricité. Il use également de celle-ci comme principe visible non pas révélateur de l’identité de<br />

ces personnages mais désignateur de celle-ci : c’est comme si l’électricité, de par le surnaturel sur<br />

lequel elle semble ouvrir, était la seule réalité visible à même de pouvoir nommer le divin – ce qui<br />

1 Jacques Noiray, Le romancier et la machine, L’image de la machine dans le roman français (1850-1900), II,<br />

Jules Verne, Villiers de l’Isle-Adam, Librairie José Corti, 1982, p. 96.<br />

2 Dir. François Caron et Fabienne Cardot, op. cit.<br />

3 OC I, p. 892.<br />

4 OC II, p. 59.<br />

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