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ombe, qu’un livre. 1 » Parlant du secrétaire de rédaction de La Revue blanche, Mallarmé ajoute : « il<br />

n’y avait pas, pour Fénéon, de meilleurs détonateurs que ses articles. Et je ne pense pas qu’on<br />

puisse se servir d’arme plus efficace que la littérature. 2 »<br />

Mais si l’anarchie a des liens profonds et insécables avec la littérature, c’est tout d’abord dans<br />

un sens plus large tel qu’explicité par Pierre Quillard dont Jarry était très proche, au sein d’un<br />

article au titre révélateur s’il en est : « L’Anarchie par la littérature », paru dans le numéro 25<br />

d’avril 1892 des Entretiens politiques et littéraires : « Il n’y a pas d’affirmation de la liberté individuelle<br />

plus héroïque que celle-ci : créer en vue de l’éternité, au mépris de toute réticence et de tout<br />

sacrifice aux préoccupations des contingences transitoires, une forme nouvelle de la beauté.<br />

L’apparition de cette merveille, éclose aux terres vierges de l’Absolu, oblige ceux qui la contemple<br />

[sic] à se détourner avec dégoût des basses hiérarchies qu’ils révéraient jadis par quelque servilité<br />

héréditaire ; et pour une heure, ou pour jamais, la vilenie et l’abjection des fantoches dominateurs<br />

se révèlent à eux, brusquement offensées par l’épanouissement d’une telle fleur. 3 »<br />

La beauté devient pour Quillard l’acte par excellence. La beauté telle que créée par l’artiste<br />

qui s’affirme ainsi comme le Dieu de son œuvre.<br />

— L’artiste est Dieu.<br />

Si la « syn<strong>thèse</strong> » est le fait de l’art et par conséquent de l’artiste, ainsi que nous l’avons vu,<br />

alors l’être à qui Dieu a « cédé sa place de Syn<strong>thèse</strong> 4 » est bien l’artiste, et non l’Anarchiste (il<br />

s’agit, là encore, pour Jarry, de brouiller les pistes, d’égarer le lecteur, afin que le sens résiste<br />

toujours, au moins à un certain niveau, à la compréhension).<br />

Mais Jarry ne formule pas cette idée aussi implicitement que son compte rendu du Journal d’un<br />

anarchiste pourrait le laisser penser. Faisant l’apologie d’une autre forme de théâtre, pensé pour<br />

l’élite, il exprime sans détour que le créateur est Dieu – du moins de sa création : « Cet autre<br />

théâtre n’est ni fête pour son public, ni leçon, ni délassement, mais action ; l’élite participe à la<br />

réalisation de la création d’un des siens, qui voit vivre en soi-même en cette élite l’être créé par<br />

soi, plaisir actif qui est le seul plaisir de Dieu et dont la foule civique a la caricature dans l’acte de<br />

chair. 5 »<br />

1 Mallarmé, Œuvres complètes, II, édition présentée, établie et annotée par Bertrand Marchal,<br />

Gallimard, collection Bibliothèque de la Pléiade, 2003, p. 660.<br />

2 Id., p. 709.<br />

3 Pierre Quillard, L’Anarchie par la littérature, Au Fourneau, collection Noire, 1993, p. 12.<br />

4 OC I, p. 1012.<br />

5 Id., p. 412.<br />

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