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l’ennui, / Qui dans son monde oisif nous entraîne avec lui 1 ». Lorsque dans les « textes relatifs à<br />

Ubu Roi » Jarry écrit : « l’infinie médiocrité de la foule » avant de barrer cette formulation pour la<br />

remplacer par « la multitude 2 », il donne possiblement écho à Mallarmé qui note : « […] la foule,<br />

quand elle aura, en tous les sens de la fureur, exaspéré sa médiocrité, sans jamais revenir à autre<br />

chose qu’à du néant central, hurlera vers le poëte, un appel. 3 » D’où probablement la biffure de<br />

Jarry qui vise à taire cet emprunt, afin de chercher à faire apparaître sa conception de la foule, qui<br />

se répète avec une rare insistance tout au long de son œuvre, comme personnelle et singulière. La<br />

faire apparaître telle prend tout son sens puisqu’elle parcourt justement l’ensemble de l’œuvre.<br />

C’est son œuvre, du moins en partie, que Jarry veut rendre singulière, en cherchant à rendre telle<br />

cette conception qu’il s’approprie.<br />

La critique professionnelle est ainsi censée épouser les frémissements du goût de la foule<br />

tout en, dans le même mouvement, les lui inculquant paradoxalement, et en outre est-elle<br />

prétendument toujours une critique de surface, se confondant avec la réclame.<br />

2. 3. 5. La critique professionnelle comme simple réclame.<br />

Un passage du Mercure de France d’avril 1895 résume cette conception alors répandue parmi<br />

les écrivains de la génération de Jarry (et ce constat concernant la critique littéraire pourrait du<br />

reste s’étendre à l’ensemble des rubriques du journal) : « Dans l’Art Moderne (24 février) a paru<br />

sous ce titre : Une Floraison littéraire, un article dont l’auteur juge avec sévérité l’attitude de la presse<br />

quotidienne envers les écrivains : la critique littéraire est en effet morte, dans les journaux ; on n’y<br />

parle que de fort peu de livres et encore de cela n’y aurait-il pas lieu de se plaindre si les livres<br />

étudiés l’étaient sérieusement ; mais il n’en est rien : comme le dit l’auteur de l’article publié dans<br />

l’Art Moderne : « On se croit quitte vis-à-vis d’un livre, fût-il admirable, par une pirouette au bout<br />

d’une réclame ». 4 »<br />

Alfred Vallette va jusqu’à considérer dès 1893 que la réclame avec quoi se confond la critique<br />

journalistique a perdu tout son pouvoir, écrivant au sujet de la critique dramatique : « La<br />

critique […], au point où la réduisit la presse à informations rapides, fut toujours une assez<br />

pauvre chose ; naguère encore, pourtant, elle excitait les snobs, qui achetaient le livre ou allaient à<br />

1<br />

W. Goethe, Faust, Faust et le second Faust, « suivis d’un choix de poésies allemandes », traduits par<br />

Gérard de Nerval, nouvelle édition précédée d’une notice sur Goethe et sur Gérard de Nerval,<br />

Garnier Frères, Libraires-Editeurs, 1877, p. 30.<br />

2<br />

OC I, p. 412.<br />

3<br />

Mallarmé, op. cit., p. 40.<br />

4<br />

Le Mercure de France, n° 64-66, tome XIV, avril-juin 1895, p. 116-117.<br />

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