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3. 1. 1. Un texte devant susciter des ventes.<br />

Le fait que Jarry commente son œuvre mérite d’être interrogé.<br />

Rachilde, annonçant dans sa rubrique la parution de son ouvrage intitulé Les hors nature, écrit :<br />

« Les hors nature (mœurs contemporaines), viennent de paraître à la librairie du Mercure de France<br />

et sont de Rachilde. P.S : Ce qui me dispense d’en parler !... 1 »<br />

Jarry, avant 1897, va dans ce sens, écrivant dans le « Linteau » des Minutes : « Il est stupide de<br />

commenter soi-même l’œuvre écrite, bonne ou mauvaise, car au moment de l’écriture on a tâché<br />

de son mieux non de dire TOUT, ce qui serait absurde, mais le plus du nécessaire (que jamais<br />

d’ailleurs le lecteur ne percevra total), et l’on ne sera pas plus clair. 2 »<br />

L’auteur des Minutes, dans son discours d’ouverture prononcé à la première représentation<br />

d’Ubu Roi, reprendra cette idée : « Il serait superflu – outre le quelque ridicule que l’auteur parle<br />

de sa propre pièce – que je vienne ici précéder de peu de mots la réalisation d’Ubu Roi […] 3 ».<br />

Cette conception était alors très répandue, mais Jarry la combattra finalement, du moins<br />

implicitement, comme l’avait déjà fait Edgar Allan Poe, quant à lui explicitement, puisque celui-ci<br />

proclame, évoquant « l’idée selon laquelle aucun poète ne peut sainement juger ses écrits » :<br />

« […] un poète digne de ce nom ne saurait, je crois, manquer de fournir un examen critique juste.<br />

Ce qu’il en faudrait déduire d’amour de soi pourrait être compensé par sa connaissance intime du<br />

sujet […] 4 ».<br />

L’ « amour de soi » est ainsi, d’une certaine manière tout du moins, inséparable de l’acte de<br />

commenter, lorsque l’auteur se situe face à son œuvre, au moins dans la sphère publique (car<br />

Jarry dans sa correspondance qui permet à la parole d’être tissée entre lui et des intimes – quand<br />

elle n’est pas l’occasion, là encore, d’une parole publique, comme c’est le cas avec un libraire 5 –<br />

pourra considérer avec une certaine violence certains de ses écrits, écrivant en parlant des Jours et<br />

les Nuits que c’est un « livre bien mal fait » « où il y a des tranches bonnes 6 » et qu’Albert Samain<br />

est une « besogne… bâclée… 7 », même si cette remarque doit être tempérée par le fait que Jarry<br />

1<br />

Le Mercure de France, n° 88-90, tome XXII, avril-juin 1897, p. 148. Mais remarquons toutefois<br />

que Rachilde pourra élaborer des comptes rendus de certains de ses ouvrages.<br />

2<br />

OC I, p. 173.<br />

3<br />

Id., p. 399.<br />

4<br />

Edgar Allan Poe, « Essais, Lettre à B… », Contes, Essais, Poèmes, traductions de Baudelaire et de<br />

Mallarmé complétées de nouvelles traductions de Jean-Marie Maguin et de Claude Richard,<br />

édition établie par Claude Richard, Robert Laffont, collection Bouquins, 1989, p. 984.<br />

5<br />

Voir la lettre qu’il envoie le 19 octobre 1905 à « une librairie » (OC III, p 593-594).<br />

6<br />

Propos cité par Henri Bordillon, Gestes et opinions d’Alfred Jarry, écrivain, Éditions Siloé, 1986, p.<br />

178.<br />

7<br />

OC III, p. 657 : lettre à Rachilde du 8 mai (?) 1907.<br />

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