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alors presque toujours associé à l’idée d’une progression, d’une tendance de la nature à se<br />

complexifier de plus en plus au cours du temps. 1 »<br />

Jarry renverse le propos d’Herbert Spencer dans le second tome de ses Principes de Biologie<br />

parus en 1894 : « Les cellules sphériques qui s’agrègent pour former des cordons, des lamelles,<br />

des masses, des tissus spéciaux, perdent leur forme sphérique ; au lieu de demeurer toutes<br />

semblables elles revêtent des différences innombrables, de l’uniformité elles passent à la<br />

multiformité. 2 »<br />

À la remarque de Ribot dans son Essai sur l’imagination créatrice comme quoi la<br />

« forme […] essentiellement synthétique […] se rencontre surtout chez les imaginatifs purs, les<br />

enfants, les sauvages », l’ « esprit march[ant] de l’unité aux détails 3 », Jarry répond que « le corps le<br />

plus poli est celui qui présente le plus grand nombre d’aspérités 4 », « le poli résultant de la<br />

petitesse extrême des saillies, qui est en raison directe de leur multiplicité 5 » (précise Jarry dans Les<br />

Jours et les Nuits).<br />

La figure d’Ubu renvoie à l’idée selon laquelle le progrès n’existe pas – la forme la plus<br />

rudimentaire étant en tout point comparable à la plus avancée sur le registre de l’évolution – ainsi<br />

que le suggère la sphère (forme de la « gidouille » d’Ubu) qui n’est que la matérialisation des<br />

instincts les plus primaires et qui est néanmoins comparable à la forme des anges, comme le<br />

proclamait Fechner.<br />

2. 5. 2. Les monères : le rudimentaire devenu complexe.<br />

Jarry développa également cette idée, mais de façon sous-jacente, invisible lorsque l’on ne se<br />

reporte pas à l’aquarelle source, dans Les Minutes, au sein du poème intitulé « Au repaire des Géants »<br />

contenu dans « Tapisseries », écrivant : « Reines des épouvantements, / Voici ramper aux murs<br />

dormants / De grandes monères sanglantes. » Jarry s’est inspiré d’un élément précis de l’aquarelle<br />

de Munthe. Dans ce poème, les monères sont sanglantes du fait des tâches rouges sur le corps et<br />

de la coloration également rouge de la langue des créatures monstrueuses présentes au sein de<br />

l’image qui ont poussé Jarry à cette assimilation. Il est frappant de voir que les créatures<br />

étrangères rampant, à la façon de chenilles tachetées de rouge crénelées de flammes pâles<br />

1<br />

Stéphane Schmitt, op. cit., p. 216.<br />

2<br />

Herbert Spencer, Principes de Biologie, tome second, traduit de l’anglais par E. Cazelles, quatrième<br />

édition, Félix Alcan, 1894, p. 249.<br />

3<br />

Th. Ribot, Essai sur l’imagination créatrice, Félix Alcan, collection Bibliothèque de Philosophie<br />

Contemporaine, 1900, p. 132.<br />

4 OC I, p. 399.<br />

5 Id., p. 796.<br />

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