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— Jarry face au mage péladanesque.<br />

Mais cette assimilation prépondérante chez Jarry naît surtout, peut-on penser, de la lecture<br />

que fait l’auteur des Minutes de l’œuvre de Péladan. Selon l’auteur de la Décadence latine, en ayant<br />

connaissance de cet « unique réel » qu’est le surnaturel (« Qui percera le mystère de l’Invisible ? 1 »<br />

s’interroge Péladan – dans À cœur perdu ; mais cette interrogation parcourt toute son œuvre), grâce<br />

notamment aux armes que propose l’occultisme, mais un occultisme utilisé librement, adapté à sa<br />

personnalité, non comme un système construit de toutes pièces auquel il faudrait conformer sa<br />

pensée et son rêve, l’intellectuel peut « jouer au demi-dieu », ce qui est une sorte de<br />

« compensation 2 » (Curieuse !). « Je suis plus qu’un homme, je suis homme cependant… 3 »,<br />

professe ainsi un personnage de Péladan dans Cœur en peine.<br />

Faustroll est lui « homme plus qu’il n’est de bienséance », ce qui le pousse à affirmer<br />

péremptoirement, ainsi que nous l’avons déjà évoqué, Jarry radicalisant le propos de Péladan : « Je<br />

suis Dieu 4 ».<br />

Les personnages principaux des œuvres de Jarry, à savoir Faustroll, Sengle, Messaline,<br />

Marcueil 5 , Emmanuel (dont la force est tout entière contenue dans son nom : Dieu), Erbrand<br />

Sacqueville 6 ne jouent-ils pas chacun à leur manière « au demi-dieu » ?<br />

Péladan de son côté fait évoluer, dès le premier volume de l’éthopée, un mage devenu<br />

« CREATEUR à l’instar de Dieu », « ouvrier de son développement moral et auteur de son<br />

immortalité glorieuse », répondant ainsi narrativement à une formule de Lévi 7 . C’est l’invention<br />

« presque impie » selon Barbey d’Aurevilly qui le lui reproche, « d’un homme, surnaturel par la<br />

1 Péladan, La Décadence latine, éthopée [IV], À cœur perdu, G. Edinger, 1888, p. 2.<br />

2 Péladan, La Décadence latine, éthopée [II], Curieuse !, A. Laurent, 1886, p. 125.<br />

3 Péladan, La Décadence latine, éthopée [VII], Cœur en peine, « commémoration du chevalier Adrien<br />

Péladan et son portrait inédit, par Séon », E. Dentu, 1890, p. 209.<br />

4 Bouquin, p. 484.<br />

5 Marcueil est vu, dès son plus jeune âge, comme ayant (donc étant) une anomalie, ce qui fait<br />

rougir sa mère. Jarry dans la construction de ce personnage s’inspire de L’Androgyne de Péladan :<br />

« La science appelle anomalie ce en quoi l’individu diffère de l’espèce : or l’être très individuel<br />

donne un fort grand démenti à sa série » (Péladan, La Décadence latine, éthopée [VIII], L’Androgyne,<br />

E. Dentu, 1891, p. 225).<br />

6 Le stratège de « La Bataille de Morsang » est « celui qui avait imaginé le mot mystérieux comme<br />

arme dans la bataille », pour reprendre la formulation de Péladan dans Cœur en peine, op. cit., p. 17.<br />

7 Eliphas Lévi, Secrets de la magie, I, Dogme et rituel de la haute magie, Histoire de la magie, La clef des<br />

grands mystères, édition établie et présentée par Francis Lacassin, Robert Laffont, collection<br />

Bouquins, 2000, p. 13.<br />

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