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petit groupe la possibilité de s’exprimer loin de convenances, dans la plus stricte intimité<br />

consolidée par le socle familial.<br />

Du reste, avec les Vallette (et leur fille Gabrielle née en 1890), Jarry trouve « un foyer très<br />

précisément », une « véritable famille pour lui », Le Mercure de France devenant ainsi pour lui « une<br />

demeure 1 ». L’on imagine à quel point la chaleur des échanges a pu colorer la « triste[sse] » du lieu<br />

austère donnant aux mardis l’occasion de se déployer, et le transcender au point qu’il devienne,<br />

face aux réceptions de la rue de Rome, l’un des lieux forts du milieu intellectuel parisien : « Au<br />

Mercure c’était, en principe, Rachilde qui recevait ; cependant la grande assemblée se tenait dans le<br />

vaste et triste bureau du patron ; le vaste et triste bureau où se pouvaient remarquer moins<br />

d’instruments de littérature que de comptabilité, le Grand Livre écrasant les beaux livres dont très<br />

peu se proposaient à une curiosité souvent épuisée ainsi que des « échantillons ». 2 »<br />

Du reste la configuration du lieu n’avait-elle que peu d’importance, puisque, comme le<br />

remarque Gide, pour les auteurs participant aux mardis de Rachilde, « le Mercure, en ce<br />

temps, […] [était] le seul lieu de rencontre possible, en dehors de quelques salons, peut-être, et<br />

des cafés. 3 »<br />

Jarry s’imposa dans le salon du Mercure de France au point d’y apposer son empreinte, sa<br />

marque ayant trait tout à la fois à l’aspect métronomique de sa gestuelle et de son phrasé, et aux<br />

particularités langagières qui faisaient le parler du Père Ubu : ce salon fut ainsi « avec ses<br />

habitués » pour « Jarry un lieu amical et pour ainsi dire théâtral, où il jouait [véritablement] son<br />

personnage de « Père Ubu ». 4 » Gide écrit que l’auteur des Minutes « exerçait au Mercure […] une<br />

sorte de fascination singulière. 5 »<br />

2. 2. 3. Dialogue sous-jacent tissé avec Gourmont et avec Rachilde.<br />

En second lieu, le dialogue que Jarry continue de tisser, même invisiblement, avec deux des<br />

plus grandes figures du Mercure de France, au cours de sa collaboration régulière à La Revue blanche,<br />

à savoir Gourmont et Rachilde, est exemplaire de sa volonté de fondre son identité dans celle du<br />

Mercure de France, du moins dans celle du Mercure de France qu’il fantasme et qui était celui de ses<br />

débuts littéraires, alors organe ouvert pleinement au symbolisme.<br />

1 BESNIER, p. 133.<br />

2 André Salmon, op. cit., p. 251.<br />

3 André Gide, « Le Mercure de France », « Souvenirs littéraires et problèmes actuels », Souvenirs et<br />

voyages, édition présentée, établie et annotée par Pierre Masson, avec la collaboration de Daniel<br />

Durosay et Martine Sagaert, Gallimard, collection Bibliothèque de la Pléiade, 2001, p. 928.<br />

4 BESNIER, p. 84.<br />

5 André Gide, « Le Mercure de France », op. cit., p. 927.<br />

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