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thèse

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Mais l’auteur du Surmâle développe personnellement cette théorie. Pour lui, il n’y a pas de<br />

fatalité de la mémoire. Celle-ci peut devenir création personnelle par le biais de l’entreprise<br />

littéraire personnelle, l’auteur pouvant interpréter singulièrement la portée, l’incidence des<br />

« résidus » qu’il prend en considération.<br />

Aussi sous l’apparente logique la plus inflexible les résultats les plus saugrenus et les plus<br />

éloignés du réel peuvent-ils naître, comme Jarry le prouve notamment avec l’écriture de sa<br />

chronique intitulée « Edgar Poe en action » (ou avec celle de ses comptes rendus de La Natalité en<br />

France en 1900 et de Prêtres et moines non conformistes en amour).<br />

Le fonctionnement de la mémoire n’est ainsi plus sujet au déterminisme biologique mais<br />

devient véritablement créatif. À partir d’une donnée biologique, Jarry proclame l’idée selon<br />

laquelle il n’y a pas de fatalité dans l’actualisation des traces mais bien plutôt une totale liberté<br />

possiblement créée à partir d’elles. Jarry écrit ainsi dans César-Antechrist : « […] grâce à cet oubli<br />

mon esclave, ce que je veux existe ou n’existe pas selon qu’il me plaît. 1 » C’est pour cette raison<br />

que « l’oubli est indispensable – timeo hominem… – pour retourner le stile en sa cervelle et y<br />

buriner l’œuvre nouvelle 2 », ainsi que l’écrit Jarry dans Les Minutes cette fois.<br />

L’oubli, loin d’être affublé de connotations péjoratives, est au contraire remis au goût du<br />

jour, par l’intermédiaire des scientifiques, comme principe positif que Jarry fait devenir fécondant.<br />

Il n’est plus un frein, mais au contraire un accélérateur. Il ne manifeste plus une césure en<br />

l’homme, ainsi que le suggérait Lautréamont dans Les Chants de Maldoror, confessant : « je ne sais<br />

plus ce que j’avais l’intention de dire, car, je ne me rappelle pas le commencement de la phrase. 3 »<br />

Il est ainsi possible de « goût[er] des jouissances d’oubli 4 », comme l’écrivaient déjà Edmond et<br />

Jules de Goncourt dans le second tome de Manette Salomon paru en 1868.<br />

1 Id., p. 329.<br />

2 Id., p. 172.<br />

3 Comte de Lautréamont, op. cit., p. 332.<br />

4 Edmond & Jules de Goncourt, Manette Salomon, tome second, Librairie Internationale, 1868, p.<br />

20.<br />

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