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En quoi le théâtre, au travers de la représentation, permet-il (en la faisant surgir) la<br />

reconnaissance ?<br />

« [L]e théâtre, à qui s’impose directement la sanction immédiate du public bourgeois, de ses<br />

valeurs et de ses conformismes, procure, outre l’argent, la consécration institutionnalisée des<br />

Académies et des honneurs officiels. 1 » Si le théâtre est à cette époque le genre bourgeois par<br />

excellence, il demeure (pour cette raison aussi) le principal moyen (avec le roman « mondain »,<br />

mais dans une moindre mesure) d’être reconnu par la « foule » du public.<br />

À Mallarmé – le « maître estimé et aimé entre tous 2 » selon Le Mercure de France qui prononce<br />

une injonction à le lire – qui écrit : « Le Théâtre est la confrontation du Rêve à la foule et la<br />

divulgation du Livre, qui y puise son origine et s’y restitue. Je crois qu’il demeurera la grande Fête<br />

humaine ; et ce qui agonise est sa contrefaçon et son mésusage 3 », Jarry répond : « Qu’est-ce<br />

qu’une pièce de théâtre ? Une fête civique ? Une leçon ? Un délassement ? Il semble d’abord<br />

qu’une pièce de théâtre soit une fête civique, étant un spectacle offert à des citoyens assemblés 4 ».<br />

Il faut ainsi entendre par foule un concept très flou qui réunit tout à la fois, et comme<br />

indifféremment, le peuple et la bourgeoisie, comme l’explicite Bourdieu : « Les rapports que les<br />

écrivains et les artistes entretiennent avec le marché, dont la sanction anonyme peut créer entre<br />

eux des disparités sans précédent, contribuent sans doute à orienter la représentation ambivalente<br />

qu’ils se font du « grand public », à la fois fascinant et méprisé, dans lequel ils confondent<br />

le « bourgeois », asservi aux soucis vulgaires du négoce, et le « peuple », livré à l’abêtissement des<br />

activités productives. 5 » Le rejet du théâtre s’exprime ainsi également en réaction à la démocratie<br />

montante qui s’attache à l’illusion théâtrale et aux nombreux artifices novateurs, par le biais de la<br />

foule, de plus en plus nombreuse, d’un public avide d’évasion 6 et friand de pittoresque 1 .<br />

1<br />

Pierre Bourdieu, Les règles de l’art, Genèse et structure du champ littéraire, Seuil, collection Libre<br />

examen politique, 1992, p. 167.<br />

2<br />

Le Mercure de France, n° 29-32, tome V, mai-août 1892, p. 88.<br />

3<br />

Mallarmé, op. cit., p. 672.<br />

4<br />

OC I, p. 411.<br />

5<br />

Pierre Bourdieu, op. cit., p. 89.<br />

6<br />

Comme l’écrit Guy Ducrey dans Tout pour les yeux, Littérature et spectacle autour de 1900 (PUPS,<br />

2010, p. 9) : « Le théâtre du XIX° siècle est une prodigieuse machine à fabriquer des images. Pour<br />

attirer un public de plus en plus vaste et divers, les scènes rivalisent d’inventions, influencées bien<br />

souvent par la féerie dont elles s’approprient les techniques. De son fauteuil parisien, ou<br />

londonien, le spectateur peut ainsi, dès les années 1830, mais surtout à partir des années 1860, se<br />

laisser éblouir par les plus extravagantes visions. Des galères égyptiennes descendent lentement<br />

des Nils de toile bleue, et s’arrêtent pour laisser descendre des Cléopâtres rutilantes ; des<br />

princesses florentines attendent le sabre recourbé des Turcs à l’abri de leurs palais d’or, dans<br />

l’Athènes du XV° siècle ; au prix de combats sanglants, des villes de la Renaissance tombent sous<br />

les assauts d’armées gigantesques ; des guillotines assoiffées réclament leur pâture d’aristocrates<br />

en charrette ; et des paquebots font naufrage, abandonnant leurs passagers dans les palmeraies<br />

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