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(celle de l’abonné qui tient en mains la revue) qu’implique inéluctablement la présence d’un<br />

compte rendu en particulier dans tout son caractère éphémère, celui-ci ne pouvant être arraché au<br />

champ de sa propre historicité et lieu d’existence, sauf republication, ce qui est de l’ordre de<br />

l’exception.<br />

Cet éphémère est du reste d’autant plus affirmé qu’il est double : il s’agit de l’éphémère d’une<br />

revue au sein de laquelle le compte rendu s’inscrit, et de l’éphémère de la partie de la revue – la<br />

partie critique – se tenant dans une tension constante avec la partie création, laquelle tension<br />

opère immanquablement une hiérarchisation de laquelle elle sort affaiblie : la partie création est<br />

ainsi la partie la plus possiblement lue, et par conséquent la moins éphémère des deux.<br />

En outre la critique littéraire est-elle un genre qui, pour s’affirmer dans toute sa force à cette<br />

époque, n’en demeure pas moins mineur eu égard à la création proprement dite, – aussi le regard<br />

du lecteur qui y est porté ne peut-il être débarrassé de cette hiérarchisation implicite qui le sous-<br />

tend constamment et qui rend plus éphémères encore, en les considérant suivant moins<br />

d’attention, les comptes rendus.<br />

Ce choix commun de Fort est en outre d’autant plus signifiant que les deux jeunes hommes<br />

enracinaient alors leurs univers dans une très forte gémellité (voulant apparaître, suivant un goût<br />

prononcé pour l’adelphisme, comme les deux facettes d’un même, évacuant très fortement<br />

d’emblée l’idée d’une altérité – sexuelle, ou idiosyncrasique – par leurs choix affirmés), puisqu’ils<br />

lisaient les mêmes auteurs (au premier rang desquels se trouvait Lautréamont), étaient intéressés<br />

par les mêmes réalités (la peinture, le concept de corps astral, les insectes – ce dernier intérêt<br />

n’étant nullement anecdotique dans l’œuvre de Jarry ni du reste dans celle de Fargue…),<br />

rivalisaient d’émulation et d’obscurité, de prestige langagier (comme si chacun devait pouvoir<br />

grandir face à la présence du Même qu’est l’autre, grâce à cette présence devenue double idéalisé<br />

de soi), au sein des comptes rendus qu’ils faisaient des ouvrages qu’ils lisaient et des expositions<br />

face auxquelles ils laissaient s’exercer la perspicacité de leur regard (« rétrospectives toiles [...]<br />

révélées à moi et L.-P. Fargue [...] 1 », écrit ainsi Jarry), moments gémellaires d’interpénétration des<br />

regards et des arts au cours desquels Le Mercure de France demeurait indéfectiblement le phare<br />

symboliste par excellence éclairant la voie de leurs intérêts communs (il éclairera des années plus<br />

tard, suivant un sens similaire, les îles de Faustroll), l’enseigne rendant unitaire l’éclatement des<br />

goûts (et leur donnant ainsi, dans leur non-unité même, toute la légitimité nécessaire) des deux<br />

jeunes hommes, le cénacle désiré s’il en fût comme le professera Léon-Paul Fargue ou Jarry lui-<br />

1 OC I, p. 1015.<br />

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