30.06.2013 Views

thèse

thèse

thèse

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

loin d’expliquer, les notions scientifiques agrandissent le trouble salvateur dans lequel nous<br />

plonge tout texte poétique, ainsi que nous l’avons du reste, et avec force, déjà souligné.<br />

Jarry évoque ainsi à sa manière, au sein de La Dragonne, les « théories de la science moderne,<br />

lesquelles font, comme on le sait, de la terre une pyramide triangulaire dont les arêtes sont les<br />

trois grandes chaînes de montagne nord-sud, les faces les océans, et qui pour base avait le pôle<br />

austral 1 ».<br />

La surréalité découlant du réel, par le travail effectué par Jarry 2 , plonge le texte dans le<br />

fantastique (le réel dans ce qu’il a de plus précis conduit à l’inquiétante étrangeté). Jarry l’a bien<br />

compris : affiner les définitions du réel permet d’ouvrir sur l’imaginaire 3 .<br />

Jarry s’inscrit ici dans la lignée de Villiers telle que décrite par Nella Arambasin : « [d]errière la<br />

technicité du vocabulaire, la précision de l’exposé scientifique et la rigueur des démonstrations, se<br />

cache […] une dénonciation du positivisme, qui a pour instruments le paradoxe, l’ironie et la<br />

parodie. […] [L]es procédés utilisés par Villiers lui permettent [certes] de créer un « effet de<br />

réel » » : en témoigne « la surenchère dans le vocabulaire scientifique [...] Mais pas leur outrance et<br />

leur ostentation, ils finissent par opérer un renversement parodique de l’effet de réel recherché,<br />

favorisant un basculement du discours technique vers un discours méta-technique, c’est-à-dire<br />

métaphysique. Ainsi, paradoxalement, l’objectivité scientifique devient l’instrument du<br />

surnaturel : perdant son contour positif, le référent scientifique produit des « effets de<br />

fantastique » qui permettent de rétablir l’Inconnu dans ses droits. 4 »<br />

3. 12. Le merveilleux scientifique.<br />

La science, comme l’écrit Arvède Barine dans Névrosés, Hoffmann, Quincey, Edgar Poe, G. de<br />

Nerval (paru en 1898), devient ainsi « l’alliée, et, plus encore, l’inspiratrice de l’écrivain<br />

fantastique 5 » et ce également parce qu’ « elle l’encourage à rêver de mondes imaginaires en lui<br />

parlant sans cesse de mondes ignorés 6 », que l’on aurait pu juger parfaitement impossibles.<br />

1 OC III, p. 430.<br />

2 Les précisions d’ordre scientifique permettent à Jarry de définir précisément ce qui d’ordinaire<br />

n’est approchable que par métaphores – comme la beauté ou l’harmonie : « … un chapeau belge<br />

dont les vibrations lumineuses s’accumulaient en longueurs d’onde égales à celles de son<br />

costume » (Faustroll, Bouquin, p. 511).<br />

3 Autrement dit : le réel très précisément décrit fait douter de la nature du réel.<br />

4 Nella Arambasin, « Créatures artificielles et réécritures du sacré », Dir. Isabelle Krzywkowski,<br />

L’homme artificiel, Hoffmann, Shelley, Villiers de l’Isle-Adam, Ellipses, 1999, p. 146.<br />

5 Arvède Barine, Névrosés, Hoffmann, Quincey, Edgar Poe, G. de Nerval, Librairie Hachette et Cie,<br />

1898, p. 3.<br />

6 Ibid.<br />

292

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!