30.06.2013 Views

thèse

thèse

thèse

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

Remarquons ainsi que dans sa chronique « Le tribunal de Dieu » parue dans Le Canard sauvage<br />

dans le numéro du 9-15 mai 1903, faisant écho à la première partie de la phrase de Tcheng-Ki-<br />

Tong, Jarry écrira : « Les Chinois sont libres […] de fabriquer de fort jolis monstres libres, en les<br />

atrophiant dans des bocaux. »<br />

Mais cette évocation ne naît néanmoins pas d’une lecture possible de l’ouvrage de Tcheng-<br />

Ki-Tong puisqu’elle est déjà présente dans « Le Tact », première pièce des « [C]inq sens » au sein<br />

des Minutes de sable mémorial (1894), Jarry développant déjà dans le passage suivant la formulation<br />

« fort jolis monstres » en la rattachant à la Chine, à travers l’évocation de Bouddha (et la<br />

majuscule dont il affuble le terme « fœtus » témoigne de façon parlante de tout l’intérêt qu’il<br />

recèle pour lui) : « Il est toujours là, le Fœtus qu’on m’a chargé de porter en place honorable<br />

parmi ses pareils ; et son corps, naguère de nèfle ridée, à mes mains qui viennent de palper des os<br />

donne l’impression douce de l’émail. Et, fendant l’ombre de l’épaule ainsi que d’une proue, je<br />

l’emporte respectueux, accroupi dans mes mains jointes, comme un Bouddha de porcelaine. 1 »<br />

La présence du « fœtus au verre de sa prison 2 » que l’on retrouve dans César-Antechrist est<br />

même sensible encore davantage en amont dans l’œuvre de Jarry (étant « d’origine scolaire 3 »<br />

comme le remarque Henri Béhar), ainsi qu’en témoigne la lettre de Fargue à Jarry – de Cobürg –<br />

du 5 mai 1893 : « Je voudrais bien connaître ta pièce des Fœtus. Pourrais-tu, si tu en avais copie,<br />

me la faire lire […] 4 », présence face à laquelle Fargue finira par se distancier fortement, du fait,<br />

peut-on penser, de sa rupture avec Jarry, comme cela sera sensible dans son recueil Vulturne : « Je<br />

n’aime pas les fœtus qui discutent. 5 »<br />

2. 3. Nier l’altérité.<br />

1<br />

OC I, p. 206. Voir aussi W.C. Morrow, Le singe, l’idiot et autres gens, nouvelles, traduit de l’anglais par<br />

George Elwall, présenté par Eric Dussert, Phébus, 2004, p. 117 : « Sur des étagères étaient rangés<br />

des bocaux cachetés, renfermant des monstres de toutes sortes conservés dans l’alcool. » Sur le<br />

respect de Jarry pour la figure du Bouddha, qui tient à la façon suivant laquelle celui-ci se tient en<br />

lien avec l’absolu, son nom (et l’on sait combien Jarry était sensible à l’étymologie) signifiant<br />

littéralement en sanscrit « le savant, l’éclairé » (GDU, tome 2, p. 1060), voir l’évocation qu’en fait<br />

l’auteur des Minutes dans Le Surmâle (OC II, p. 245) : « […] un petit Bouddha de corail pâle,<br />

cachant ses yeux, si éblouis d’être trop près de l’absolu qu’ils ne se sont jamais ouverts, cachant<br />

ses yeux de sa petite main pareille à une étoile… »<br />

2<br />

OC I, p. 274.<br />

3<br />

Henri Béhar, « La Culture Potachique à l’assaut du symbolisme, le cas Jarry », L’Étoile-Absinthe,<br />

3 ème tournée, Rennes, Société des amis d’Alfred Jarry, octobre 1979, p. 36.<br />

4<br />

L’Étoile-Absinthe, 43°, 44° et 45° tournées, Castelnau de Montmiral, Société des amis d’Alfred<br />

Jarry, 1989, p. 21.<br />

5<br />

Léon-Paul Fargue, Epaisseurs suivi de Vulturne, préface de Jacques Borel, Gallimard, collection<br />

Poésie / Gallimard, 1971, p. 119.<br />

798

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!