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Mais détruire la Bête, c’est aussi vouloir détruire l’autre en soi. En s’acharnant contre l’autre,<br />

que l’on envisage inconsciemment désormais comme la personnalisation de sa part de bestialité,<br />

c’est soi que l’on veut toucher, et retoucher.<br />

Ainsi, outre que l’acte soit bestial, il incarne la violence. Doublement, puisqu’à la violence qui<br />

se dégage de l’acte précède une autre violence, comprise elle dans l’acte. La phrase qui dit le<br />

mieux la réalité de l’amour pour Haldern et Ablou (mais aussi pour Messaline) – et ainsi pour<br />

Jarry – est « [l]’épée en son rut sanglant 1 ».<br />

En reniant l’acte physique, Jarry dans « Haldernablou » et Péladan dans La Décadence latine ne<br />

nient pas l’amour, mais l’envisagent comme une conséquence de leur idéalisme. Il ne « doit être<br />

qu’un rêve, ou un androgynat sentimental pour l’intellectuel 2 ». « Hors du sexe seul est l’amour 3 »<br />

(« Haldernablou »). Et ce refus est difficile (il faut être « assez for[t] »), doit naître d’un travail sur<br />

soi, s’apparente à une « ascèse 4 ».<br />

Il s’agit de réinventer l’amour. Le contact doit être proscrit, vécu comme quelque chose de<br />

« démonial » : « je voudrais… quelqu’un […] à qui un baiser fût stupre démonial 5 ». Le contact<br />

exclut l’amour des rapports humains, étant vécu comme une violence, violence faite au rêve, et<br />

non pas au corps comme on pourrait le penser de prime abord.<br />

Comme « Haldernablou », les romans de Péladan présentent des âmes qui sont adorées à<br />

mesure qu’elles se refusent et qui maintiennent coûte que coûte la distance – salutaire pour le<br />

déploiement en tous sens de leur intellectualité –, choisissant la rupture quand le disciple aimant<br />

se montre incompréhensif, c’est-à-dire rétif au maintien de la distance, ou partisan d’un<br />

amoindrissement de celle-ci. Cette distance est ce qui permet à l’amour de se maintenir. « Vous<br />

donner, signifie me perdre, Paule 6 ». Elle est même preuve d’amour véritable. « Il y a plus<br />

d’amour, Paule, et vous le sentez bien, dans ma retraite qu’en un assaut 7 ».<br />

Les âmes se doivent mutuellement l’idéalité (« Je vous aime de toute l’idéalité que je vous<br />

dois 8 », « soyons des tabernacles d’idéalité 9 »), autrement d’âmes elles déchoiront au rang d’êtres,<br />

comme l’idée déchoit qui se concrétise.<br />

1 Id., p. 53.<br />

2 Péladan, op. cit., p. 65.<br />

3 Bouquin, p. 49.<br />

4 Id., p. 55.<br />

5 Id., p. 49.<br />

6 Péladan, op. cit., p. 29.<br />

7 Id., p. 40.<br />

8 Péladan, La Décadence latine, éthopée [III], L’Initiation sentimentale, op. cit., p. 127.<br />

9 Péladan, La Décadence latine, éthopée [II], Curieuse !, op. cit., p. 315.<br />

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