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Mais il faut préciser ce qu’est l’anarchiste pour Jarry et les écrivains de sa génération.<br />

L’anarchie est bien évidemment dans « l’air du temps 1 », mais il ne faut pas s’arrêter à ce constat.<br />

Elle se construit de facto sur l’action. Or, Jarry écrit dans « Être et vivre » : « L’Anarchie Est ;<br />

mais l’idée déchoit qui se résout en acte ; il faudrait l’Acte imminent, asymptote presque. 2 »<br />

Et ce mépris pour l’acte doit être considérablement élargi, en ce qui concerne Jarry, comme<br />

le remarque Maurice Saillet : « L’idée ne doit pas déchoir en acte, que ce soit dans l’amour<br />

(Haldernablou) ou dans la littérature (la littérature doit être le réceptacle de l’idée, et non sa<br />

matérialisation ; d’où l’utilisation de l’obscurité qui préserve l’idée des vicissitudes du regard<br />

déchiffreur, du regard tout puissant du lecteur […]) 3 ».<br />

Du reste cette conception n’appartient-elle pas en propre à Jarry mais est-elle extrêmement<br />

sensible à cette époque, comme nous l’avons suggéré. Remy de Gourmont écrit par exemple dans<br />

Les Chevaux de Diomède : « La pensée ne doit pas être agie 4 ».<br />

Comment expliquer alors l’intérêt de ces auteurs pour l’anarchie (même ambigu en ce qui<br />

concerne Jarry, celui-ci prenant rapidement ses distances vis-à-vis d’elle, comme en témoigne son<br />

compte rendu du Journal d’un anarchiste) ?<br />

C’est que l’anarchie pensée par eux n’a rien à voir avec le politique. L’anarchiste est d’abord<br />

celui « qui veut pouvoir se développer librement 5 » et qui « parvient à la pleine connaissance de<br />

soi-même 6 », comme l’écrit A.-F. Herold dans les pages du Mercure de France en juillet 1894 dans<br />

son compte rendu de Réflexions sur l’Anarchie d’Adolphe Retté (l’Idée nouvelle).<br />

C’est l’être individualiste par excellence. Il envisage « [t]out acte qui lèse [s]a liberté<br />

individuelle » comme un « crime 7 », nouvelle définition du crime naissant de la vague d’intérêt<br />

pour l’anarchie telle qu’elle peut se lire dans l’ouvrage de A. Hamon intitulé De la Définition du<br />

Crime (G. Masson), et telle que Y. Rambosson lui donne écho dans son compte rendu de<br />

l’ouvrage inséré dans Le Mercure de France en 1894.<br />

L’auteur du Surmâle pousse cette définition à son acmé en considérant dès les « textes relatifs<br />

à Ubu Roi » que l’anarchiste est celui qui « exécute ses arrêts lui-même, déchire les gens parce<br />

1<br />

Patrick Besnier, « Introduction », Georges Darien, Le Voleur, édition présentée et annotée par<br />

Patrick Besnier, Gallimard, collection Folio classique, 1987, p. 16.<br />

2<br />

OC I, p. 343.<br />

3<br />

Maurice Saillet, Sur la route de Narcisse, Mercure de France, 1958, p. 17.<br />

4<br />

Remy de Gourmont, Les Chevaux de Diomède, Société du Mercure de France, 1897, p. 245.<br />

5<br />

Le Mercure de France, n° 53-56, tome XI, mai-août 1894, p. 287.<br />

6<br />

Ibid.<br />

7<br />

Le Mercure de France, n° 49-52, tome X, janvier-avril 1894, p. 91.<br />

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