30.06.2013 Views

thèse

thèse

thèse

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

lui est antérieure, qui lui semble supérieure artistiquement et qui paraît surgir du néant ou d’un<br />

abîme que seul l’artiste était à même de sonder 1 ».<br />

Du reste ce propos n’est-il pas circonscrit aux symbolistes, ou même aux écrivains, mais se<br />

développe jusqu’au sein même de l’université : quand Lanson note, « en 1894, que « le critique est<br />

un professeur », il n’affirme [ainsi] pas seulement un statut […] et la réappropriation d’une<br />

discipline par l’Université, mais la position du critique, en retrait désormais face à l’écrivain qu’il<br />

commente. [...] Le statut de l’écrivain s’en trouve donc rehaussé : faire œuvre de critique, ce n’est<br />

plus proposer une écriture seconde qui rivalise avec une écriture première, mais tenir un discours<br />

dévoué à l’œuvre qui le surplombe, et devant laquelle il s’efface pour la laisser parler. 2 »<br />

Jarry, quant à lui, ne dira jamais autre chose, et ce dès le « Linteau » des Minutes qui proclame<br />

que « [l]’œuvre » est « active supériorité sur l’audition passive 3 » (l’auteur de « Haldernablou »<br />

parlant implicitement de la critique – comme nous l’avons vu –, qui ne peut être de fait que la<br />

modulation écrite d’une audition), sous-entendant que la glose (qu’elle ait trait indifféremment à<br />

une œuvre littéraire ou picturale) ne peut qu’être exempte de beauté, à l’opposé de l’œuvre à<br />

partir de laquelle elle grandit.<br />

Dans son texte sur Filiger, il prévient ainsi : « si je pouvais bien expliquer point par point<br />

pourquoi cela est très beau, ce ne serait plus de la peinture, mais de la littérature (rien de la<br />

distinction des genres), et cela ne serait plus beau du tout 4 ».<br />

En outre, le commentaire, lorsqu’il remplit toute sa fonction, c’est-à-dire quand il se déploie<br />

avec érudition et complexité afin de faire affleurer le signifié dissimulé (faisant ainsi plus<br />

qu’équivaloir à une explicitation circonstanciée : « si je pouvais bien expliquer point par point »<br />

écrit Jarry), s’apparente pour l’auteur de La Chandelle verte à un acte de tromperie caractérisée.<br />

Dans son compte rendu de la représentation au Théâtre de l’Œuvre de Solness le constructeur<br />

d’Ibsen, Jarry note ainsi, au sujet de la conférence liminaire de Camille Mauclair : « Conférence<br />

très nette et brève et d’autant meilleure qu’elle fut plus simple, nul charlatan ne détélescopant les<br />

assises des symboles de la construction ibsénienne. 5 »<br />

Si le commentaire fait plus que n’avoir aucune légitimité, allant jusqu’à déforcer l’œuvre<br />

originale, taisant dans l’herméneutique la beauté de celle-ci qu’elle veut pourtant révéler, alors il<br />

doit idéalement purement et simplement être occulté. C’est pour cette raison que Jarry écrit à<br />

1<br />

Vincent Engel, Histoire de la critique littéraire des XIX° et XX° siècles, Belgique, Bruylant-Academia,<br />

1998, p. 6.<br />

2<br />

Michel Jarrety, « La « relation critique » au XX° siècle », Histoire de la France littéraire, tome 3,<br />

Modernités, XIX°-XX° siècle, Presses universitaires de France, collection Quadrige, 2006, p. 489.<br />

3<br />

Bouquin, p. 12.<br />

4 OC I, p. 1028.<br />

5 Id., p. 1008.<br />

329

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!