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Le mode de la variation est très présent chez Jarry. L’on observe certaines récurrences dans<br />

la représentation, comme si certains personnages se prêtaient beaucoup mieux à la représentation<br />

que d’autres. Parmi les personnages récurrents 3 , on trouve, outre Ubu, les palotins, par exemple,<br />

ou les animaux qui constituent son bestiaire intime 4 .<br />

Certains personnages, au contraire, n’appellent pas la représentation, comme la mère Ubu,<br />

qui reste une énigme 5 , ou le Surmâle 6 ; d’autres demeurent rétifs à toute représentation comme le<br />

docteur Faustroll 7 .<br />

1 Quant aux quatre peintures d’attribution certaine selon Arrivé, elles se situent à trois moments<br />

différents de la carrière de Jarry, et paraissent isolées du reste de l’œuvre.<br />

2 Une bonne trentaine note Arrivé. Pour celui-ci, l’aspect donné au Père Ubu par le Véritable<br />

portrait et ses variantes (voir les planches 53 et 58) ne correspond pas entièrement au personnage<br />

de la pièce (voir le commentaire de la peinture de la planche 45). Mais l’on peut remarquer que la<br />

représentation n’a pas pour fonction de correspondre au personnage de la pièce, car Ubu dans la<br />

pièce est un manque que la représentation seule peut combler. Il n’est qu’un vide, n’a de réelle<br />

représentation que par le dessin. Il est une caricature qui doit logiquement prendre forme sur le<br />

papier. Le meilleure exemple comme quoi il n’a pas de figure en dehors de la représentation<br />

picturale est la remarque que lui fait Mère Ubu : « Nous disions, monsieur Ubu, que vous étiez un<br />

gros bonhomme ! », ce qui ne peut susciter que l’assentiment de l’intéressé : « très gros, en effet,<br />

ceci est juste ». Il est une abstraction qui réclame une représentation. La représentation évolue :<br />

dans les représentations plus tardives du père Ubu, on trouve des moustaches et un toupet<br />

végétaux, ainsi que le fameux bras polyarticulé. Si le personnage d’Ubu évolue dans la<br />

représentation qui en est donnée, c’est parce que, représentation après représentation, il affirme<br />

plus justement toutes ses caractéristiques, présente tous ses attributs, lesquels n’ont pas besoin de<br />

la pièce pour être légitimités dans leur apparition ; ils n’ont pas besoin de caution littéraire. Il est<br />

une figure in progress, et ce éternellement, un manque que l’on peut combler diversement. Un trou<br />

dans la page.<br />

3 Personnages possiblement représentables qui se sont figés dans une représentation, à tel point<br />

qu’ils sont devenus cette représentation – ce qui est surtout vrai pour Ubu.<br />

4 Le dessin ou la gravure sont l’occasion pour Jarry de styliser (Jarry stylise efficacement ce qu’il<br />

représente – le dessin devient souvent géométrique) des animaux qui constituent son bestiaire<br />

intime (parmi lesquels on trouve en premier lieu le hibou, qui est à rapprocher du caméléon,<br />

puisqu’il se trouve aussi, figurativement, en ce dernier), pas seulement, on peut penser, pour la<br />

symbolique à laquelle ils semblent renvoyer (et que l’on devine en confrontant l’illustration au<br />

texte, comme l’a fait abondamment Arrivé), mais surtout pour la résonance que ces animaux, du<br />

fait de leurs spécificités propres, opèrent dans sa conscience et dans son imaginaire poétique.<br />

5 Planche 46 : dessin à l’encre, au verso d’une carte de deuil (1895). Évocation de la mère Ubu<br />

dont on ne connaît pas d’autre représentation graphique de la main de Jarry.<br />

6 Le Surmâle est difficilement représentable, car ce qui le rend remarquable, c’est justement<br />

l’absence de signe distinctif : n’importe quel homme peut le figurer. Aussi Jarry écrit-il à Bonnard<br />

lorsqu’il lui demande un dessin du Surmâle : « Il suffirait de construire n’importe quel<br />

bonhomme », avant d’ajouter qu’il faudrait néanmoins qu’il soit « très nu, et horrifiquement<br />

costaud. » Aussi le dessin de Bonnard apparaît-il comme le redoublement sémantique du titre, et<br />

non la représentation de Marcueil.<br />

7 On ne connaît aucun portrait du docteur Faustroll, s’étonne Arrivé. Si, il en existe bien un, mais<br />

imaginaire, celui effectué par Aubrey Beardsley, un portrait idéal qui n’existe que par l’idée qu’on<br />

s’en fait, qui est l’une des « trois gravures pendues à la muraille » s’ajoutant aux livres pairs du<br />

docteur Faustroll. Si le docteur Faustroll ne peut être représenté, c’est que la scientificité de son<br />

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