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naturalisme, et, à travers lui, contre la « foule » et ses goûts exprimés et affichés par le biais des<br />

ventes, ne pouvant que conduire, parmi les poètes de la génération de Jarry, sans nuances (du<br />

moins à l’époque où celui-ci débute sa carrière littéraire), à l’affirmation d’un élitisme lequel<br />

s’exprime sous toutes les formes possibles : l’impression de ne pas être compris de la foule se<br />

renverse dans un goût développé pour l’obscurité, façon d’affirmer aussi que ce dédain et désaveu<br />

du public les concernant est le fait d’un choix singulier émanant proprement d’eux, autrement dit<br />

se présente suivant les modalités d’un mépris pour le goût attendu qui constitue l’identité (perçue<br />

suivant des topoï qui sont part de la vision commune, en un certain sens, à toute une génération de<br />

poètes) de la foule, mépris exprimé logiquement pour les genres les plus appréciés du public (et<br />

notamment de la bourgeoisie) comme le théâtre et le roman mondain conjugué à un repli vers le<br />

prestige de la poésie, repli redoublé par la survenue (résultant il est vrai d’impératifs<br />

économiques) de tirages confidentiels, avec un choix très affirmé de tous (idéalement) les critères<br />

constituant la matérialité du livre, le souci de cette dernière s’exprimant jusque dans l’attrait pour<br />

les tirages de tête sur beaux papiers, par définition rares et échappant ainsi à l’ordinaire de la<br />

librairie.<br />

— Un degré de violence unique.<br />

En réalité, il s’agit de nuancer considérablement cette opinion d’une seule volonté, émanant<br />

de Jarry, d’appartenance à la communauté élitiste d’un goût se déployant en réaction, du moins en<br />

partie, à la primauté – jugée destructrice pour l’individualité – de la foule, opinion semblant<br />

pourtant s’affirmer, de prime abord, avec une évidente force.<br />

Pour cela, il faut replacer l’opinion de Jarry exprimée dans La Plume au sein de l’ensemble de<br />

toutes celles publiées dans le n° 324 consacré à Émile Zola du 15 octobre 1902 1 .<br />

Même si le long texte de Stuart Merrill ouvrant ce numéro de La Plume déconstruit avec une<br />

violence remarquable, point par point, la figure de Zola (« Emile Zola se contente du vocabulaire<br />

courant, méprise les recherches verbales, se sert d’une phrase simple, dure et rude, apte à toutes<br />

les besognes, et qu’on pourrait définir la phrase à tout faire. […] Il fut un détestable esthéticien, et<br />

[…] ne fit que s’entêter dans ses erreurs. Je n’ai pas à démontrer, après tant d’autres, combien est<br />

vaine la conception du roman expérimental. […] Le plus curieux, c’est qu’Emile Zola se croyait<br />

doué d’esprit scientifique. Jamais homme n’en fut plus dépourvu. […] Ne cherchons donc pas<br />

dans l’œuvre d’Emile Zola ce qui n’y est pas, c’est-à-dire une haute pensée philosophique,<br />

1 Voir La Plume, n° 317-328, juillet-décembre 1902, p. 1213-1238.<br />

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