30.06.2013 Views

thèse

thèse

thèse

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

Jarry fait allusion au long passage suivant (qui s’inspire du livre de Moilin La liquidation<br />

sociale paru en 1869), qu’il nous faut citer quasiment dans son entier afin de montrer en quoi<br />

par les seuls termes « élucubrations » et « extraordinaire » Jarry donne corps à sa volonté,<br />

partout affichée dans son œuvre, de procéder par « raccourcis » : « Son Paris en l’an 2000 est<br />

aux mains du gouvernement socialiste qui a déjà nivelé les fortunes et centralisé la propriété<br />

sans dépouiller personne. Le moyen qu’a trouvé Moilin lui paraît bien simple ; les propriétaires<br />

et les rentiers touchent en rentes viagères, le même taux de rentes qu’ils pouvaient posséder<br />

avant l’avènement du gouvernement socialiste, mais tous les revenus sont imposés de cette<br />

façon : impôt sur le revenu proportionnel jusqu’à douze mille francs, total à partir de douze<br />

mille francs. La ville étant tout entière à elle-même, c’est à dire toutes les maisons appartenant<br />

à la cité, on a étudié les améliorations possibles. […] D’abord le gouvernement perça les murs<br />

mitoyens à la hauteur du premier étage de chaque maison, et créa dans chaque pâté de<br />

construction, une rue-galerie qui eut la hauteur et la largeur d’une rue ordinaire. Sur chaque<br />

rue fut jeté un pont couvert qui continuait cette rue-galerie en dimensions absolument<br />

pareilles. Des ponts couverts identiques traversaient les boulevards, les places et la Seine de<br />

sorte que la rue-galerie n’offrait aucune solution de continuité. Le résultat fut que les<br />

anciennes rues furent aussitôt abandonnées, que les Parisiens refusèrent de s’exposer<br />

désormais aux intempéries. Les femmes s’y pouvaient promener décolletées, des fleurs dans<br />

les cheveux et les hommes en tenue de soirée. La quiétude du home et son intimité y pouvait<br />

perdre ce qu’on gagnait en commodités diverses, mais ceci préoccupe peu notre utopiste, qui<br />

non content d’avoir ouvert dans les maisons cette grande artère intérieure, la fait<br />

communiquer à des couloirs qui forment une autre rue ininterrompue ; c’est la rue à tous les<br />

étages, car au-dessus du pont couvert, des passerelles mettent une communication universelle<br />

dans toute la ville. Où les maisons furent trop vieilles, on les abattit par carrés de<br />

constructions ; on y édifia des cités modèles, pourvues aux quatre coins d’escaliers<br />

monumentaux avec des ascenseurs, évidées au milieu au profit d’un jardin. Les sous-sols<br />

étaient aussi renouvelés et un chemin de fer souterrain transportait par tout Paris les choses<br />

encombrantes dont ont besoin tous les ménages, le vin, le charbon, le bois et autres denrées.<br />

Au-dessus du sol, au milieu des boulevards, sur des viaducs de fer dont la perspective droite et<br />

ininterrompue offrait à l’avis de Moilin, un charmant coup d’œil, les lignes venant de la<br />

province et de l’étranger convergeaient vers le palais international, la perle de la cité ; outre de<br />

débarquer bien au centre de la ville, les arrivants avaient cet avantage de former avec le Palais<br />

une sublime allégorie : c’était Paris accueillant les peuples. Le Palais international occupait<br />

toute la surface de la cité et de l’Ile-Saint-Louis, qui avaient été préalablement déblayées et<br />

705

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!