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Cela est particulièrement perceptible lors de la première période critique de Jarry, à L’Art<br />

littéraire. Ainsi, il écrit dans son compte rendu de Fusains, « poésies » de Jean Volane (nous<br />

soulignons) : « Mais Lautréamont l’avait entrevu et j’ai épluché jusqu’à la dernière écaille de pin<br />

l’artichaut de cette Bête, qui est notre mercure philosophique, notre Terre Sigillée, avec laquelle nous<br />

réchaufferons notre Or 1 ». Certes, Jarry ici impose de façon très visible « son univers personnel, le<br />

greffe 2 » sur le texte du poète, exactement comme il le fait avec ses premières critiques théâtrales.<br />

Mais les Fusains s’inscrivent également d’eux-mêmes dans son « univers personnel ». En effet,<br />

si Jarry s’intéresse à ce recueil, et en rend compte assez élogieusement, c’est, semble-t-il – ce que<br />

son compte rendu ne dit pas –, parce que ce recueil entretient des affinités très grandes avec Les<br />

Minutes et notamment avec « Haldernablou », ainsi que cela est perceptible dans le poème<br />

« Confession » : « Je ne vous aime pas […] / Enlacements étroits de femmes hystériques, /<br />

Attouchements maudits, longs regards érotiques, / […] Et je vous hais surtout, femmes<br />

mélancoliques, / Elvires en grand deuil, anges tombés du ciel, / Roucoulant votre amour fade<br />

comme du miel, / En gestes éplorés d’héroïnes antiques. // J’aime un être pétri de ma chair, de<br />

mon sang, / Qui m’aura tout à coup, deviné parmi cent. 3 »<br />

2. 7. 4. La synecdoque comme moteur d’obscurité.<br />

La syn<strong>thèse</strong> telle qu’entendue par Jarry, c’est ainsi d’abord le détail, ou l’ensemble restreint de<br />

détails devenant l’image de la totalité. Le raccourci, éloigné de la réalité de la syn<strong>thèse</strong>, obéit de ce<br />

fait chez l’auteur du Surmâle qui réinvente là le sens de « syn<strong>thèse</strong> », à « l’économie de la<br />

synecdoque (étudier une partie pour le tout) » et, « plus subtilement encore, [a]u paradoxe d’une<br />

litote (étudier le plus petit, voire le moins notable, pour en révéler le plus massif). 4 »<br />

Le raccourci est érigé comme moteur à même de pouvoir recréer l’obscurité, en rendant<br />

obscure une idée claire véhiculée, par le seul fait que le syntagme qui la porte soit décontextualisé,<br />

– en la rendant obscure c’est-à-dire en ne figeant pas son sens, la dotant ainsi d’une multiplicité<br />

de sens possibles –, ouvrant en conséquence le texte, au travers du flou sans cesse recommencé<br />

de l’interprétation, à une multitude de correspondances possibles qui ne peut jamais être<br />

1 OC I, p. 1007.<br />

2 Patrick Besnier, « « S’il me plaît », sur deux critiques théâtrales de Jarry », L’Etoile-Absinthe,<br />

tournées 77-78, « Centenaire d’Ubu Roi », Communications du Colloque International (Hôtel de<br />

Massa, Société des Gens de Lettres / Université Paris III, Sorbonne Nouvelle, les 6 et 7<br />

décembre 1996) réunies par Paul Edwards, Société des Amis d’Alfred Jarry, 1998, p. 7.<br />

3 Jean Volane, Fusains, « poésies », Annonay, Imprimerie et Lithographie J. Royer, 1893, p. 20.<br />

4 Maxime Abolgassemi, « La lumière dans la maison de l’oncle (Aurélia) et le vertige de la<br />

microlecture », dans « Complications de texte : les microlectures », Fabula LHT (Littérature, histoire,<br />

théorie), n° 3, 1 septembre 2007, URL : http://www.fabula.org/lht/3/Abolgassemi.html.<br />

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