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La critique devient ainsi « en même temps essayiste, car elle se reconnaît le droit […] de<br />

considérer l’œuvre en question comme un point de départ et de repère, d’y voir une occasion et,<br />

en un sens, un prétexte 1 » ; Jarry va jusqu’à indiquer, sous le couvert de l’implicite, que l’œuvre<br />

acquiert le statut de « tremplin » dans sa chronique « Ce que c’est que les ténèbres » parue dans La<br />

Plume le 1 er mai 1903 : « Mais il n’a pas dit où commençait l’inachevé : au bord du tremplin.<br />

L’impression d’inachevé existe pour le lecteur de qui les jarrets ne comprennent pas le tremplin.<br />

Donner cette impression, c’est d’ailleurs l’art. L’impression du saut est assurément plus grande<br />

chez celui qui ne saute pas, l’élan saute au-dedans de lui. Et c’est à cet effet que doit tendre la<br />

littérature. »<br />

L’auteur de La Chandelle verte adopte le pragmatisme singulier (« pragmatisme de dilettante et<br />

d’intellectualiste ») de Gourmont qui peut se résumer ainsi : « une théorie vaut (à la rigueur<br />

faudrait-il dire : intéresse) non pas dans la mesure où elle est « vraie » mais dans celle où elle<br />

active le jeu de notre intelligence. 2 » La critique peut de ce fait « assume[r] la libre allure d’une<br />

production autonome, qui trouve en elle-même sa fin dernière et sa justification la plus vraie. 3 »<br />

1. 1. 3. Lutter contre le dogme de l’écriture conventionnelle.<br />

Ce faisant, il s’agit en outre pour Jarry, – en érigeant la critique au rang de poème en prose<br />

mâtiné d’obscurité qui proclame l’ipséité du critique (l’obscurité étant également une manière de<br />

protéger celle-ci, en la préservant du regard déchiffreur du lecteur) et non la singularité de l’œuvre<br />

commentée qui n’a de valeur qu’en tant que « tremplin », qu’en tant qu’élément pouvant activer le<br />

jeu de l’intelligence et de la rêverie –, de lutter contre le dogme de l’écriture conventionnelle, qui<br />

cherche à s’affirmer comme parfaitement lisible pour les raisons suivantes : « [d]’une part,<br />

[l’écriture conventionnelle] place le sujet au centre d’un univers créatif où le dogme de<br />

l’expression rejoint celui de la représentation ; d’autre part, elle établit un lien de cause à effet<br />

entre le signe et le référent, feignant de croire que le travail scriptural ne consisterait qu’à<br />

représenter une certaine réalité. L’idéologie de la littérature lisible repose sur ce double<br />

engagement qui fait primer le Moi et le Monde au détriment du Texte. 4 » Le Moi du lecteur,<br />

pourrait-on ajouter.<br />

1 CARAMASCHI, p. 97.<br />

2 Id., p. 139.<br />

3 Id., p. 97.<br />

4 Ricard Ripoll, « L’illisible comme projet du sens », La Licorne, n° 76, « L’Illisible », études réunies<br />

et présentées par Liliane Louvel et Catherine Rannoux, Poitiers / Rennes, Maison des sciences de<br />

l’homme et de la société / Presses universitaires de Rennes, 2006, p. 61.<br />

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