30.06.2013 Views

thèse

thèse

thèse

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

intégralement que quand l’auteur aura acquis assez d’expérience pour en savourer toutes les<br />

beautés ».<br />

Ainsi, si le progrès existe, c’est au travers d’une élite qui, par le biais de l’écriture vécue<br />

comme un processus alchimique pouvant dépasser les formes d’écriture préexistantes, cherche à<br />

s’affirmer dans une toute-puissance, dans la lignée des héros des œuvres de Jarry telles Le Surmâle<br />

ou La Dragonne, cette élite se voulant seule singulière (le refus de procréer qui caractérise en<br />

propre Marcueil et suscite sa perte doit être compris dans ce sens) au mépris de toutes les autres<br />

singularités, niées dans leur propension à être originales dans la mesure où cette originalité<br />

pourrait contaminer et ainsi dévoyer la primitive originalité de l’être qui s’adonne à l’acte<br />

d’écriture fort voisin, pour Jarry, de celui de la « machine à décerveler ».<br />

Mais Jarry proclame également l’absence de tout progrès qui puisse s’affirmer comme réalité,<br />

celui-ci étant perçu comme une illusion enseignée par la science qui devient de fait, topos ancré<br />

alors dans les consciences en proie au scepticisme, la nouvelle religion.<br />

Cela pourrait ne pas manquer de laisser stupéfait. Mais cette réunion des contradictoires est<br />

en réalité, peut-on penser, justement recherchée par Jarry qui peut ainsi proclamer l’identité,<br />

« l’analogie des contraires », donnant voix à un schème alors très présent dans le mysticisme<br />

ambiant (puisqu’on le retrouve en particulier chez Péladan 1 ) et que l’auteur de César-Antechrist, s’il<br />

l’a énoncé de façon très récurrente dans son œuvre, a hérité de sa lecture attentive et éblouie de<br />

Dogme et rituel de la haute magie d’Eliphas Lévi : « l’harmonie », professe Lévi, « résulte de l’analogie<br />

des contraires 2 ».<br />

L’ « harmonie » est bien par conséquent le monstrueux, si l’on appelle « MONSTRE l’accord<br />

inaccoutumé d’éléments dissonants 3 », comme Jarry le stipule dans le second numéro de<br />

L’Ymagier de janvier 1895.<br />

S’il est ainsi permis d’ « appel[er] monstre toute originale inépuisable beauté 4 », c’est parce<br />

que par la fusion des contradictoires il est possible d’atteindre à l’absolu, celui-ci étant justement<br />

caractérisé pour Lévi par la réunion des « deux extrémités de l’antinomie », ne se situant « à<br />

aucune des deux extrémités 5 » mais en leur improbable et pourtant réel point de jonction.<br />

1 Voir notamment Péladan, La Décadence latine, éthopée [VI], La Victoire du mari, « avec<br />

commémoration de Jules Barbey d’Aurevilly et son médaillon inédit, par la Ctesse Antoinette de<br />

Guerre », E. Dentu, 1889, p. 221.<br />

2 Eliphas Lévi, Secrets de la magie, I, Dogme et rituel de la haute magie, Histoire de la magie, La clef des<br />

grands mystères, édition établie et présentée par Francis Lacassin, Robert Laffont, collection<br />

Bouquins, 2000, p. 9.<br />

3 OC I, p. 972.<br />

4 Ibid.<br />

5 Eliphas Lévi, op. cit., p. 15.<br />

387

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!