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permettant ainsi d’ « entrer dans le cycle de la consécration 1 », pour reprendre la formulation de<br />

Bourdieu.<br />

Or, quoi de mieux pour entrer dans une revue, préalable indispensable à une publication en<br />

volume, que de proposer à cette revue une traduction ? Envoyer une traduction, cela n’a rien à<br />

voir avec le fait d’imposer son œuvre, c’est un geste humble (l’expression maladroite « un peu<br />

bien téméraire » affiche la modestie), puisqu’on se propose de faire découvrir aux lecteurs un<br />

auteur inconnu, en l’occurrence étranger : Jarry prend ici acte du cosmopolitisme alors vanté par<br />

les principales petites revues dont, en premier lieu, Le Mercure de France.<br />

En outre, on accroît l’ouverture de la revue sur l’étranger, ce qui est toujours une excellente<br />

chose pour une revue littéraire : on assoit un peu plus sa réputation, on permet son rayonnement<br />

(l’ouverture sur l’étranger, outre le fait que c’est d’abord l’époque qui veut ça, sera un des plus<br />

grands signes de qualité des petites revues).<br />

Aussi Jarry se place-t-il de facto comme membre de la revue, veillant à son bon<br />

fonctionnement (de même, il apparaît comme un connaisseur de l’objet revue – les lignes y sont<br />

précieuses, du fait du grand nombre d’auteurs – et se montre conciliant : « si ces vers courts<br />

tiennent trop de lignes, il serait facile de les composer comme prose, séparés par des tirés ». Ici,<br />

Jarry, comme le souligne Arnaud, donne « des conseils techniques afin d’être imprimé aux<br />

moindres frais et donc avec des chances accrues 2 »).<br />

On peut même penser que Jarry a effectué cette traduction dans le seul but de l’envoyer au<br />

Mercure de France. Cela est très judicieux, car si la revue publie la traduction, elle ne prend pas<br />

beaucoup de risques dans le sens où elle ne publie pas vraiment l’auteur de la traduction mais<br />

bien plutôt, évidemment, l’auteur du texte traduit. Ce serait donc une façon pour Jarry d’être<br />

publié à demi, autrement dit de rentrer par la petite porte au Mercure de France.<br />

3. 3. 2. Vallette intronisé confident.<br />

La traduction de Jarry regorge d’approximations et Vallette choisira de garder finalement un<br />

texte qu’il a déjà en sa possession, au moment où il reçoit ce « Dit du vieux marin », celui-là bien<br />

de la plume de Jarry, qui deviendra, après quelques modifications : « Haldernablou » (dans Le<br />

Mercure de France de juillet 1894). Jarry avait d’abord pensé à « Histoire tragique du page<br />

Cameleo ». « Je m’excuse d’avoir donné comme titre à la pièce que j’ai envoyée : Histoire tragique,<br />

etc. Je ne veux point paraître copier celui de la Princesse Phénissa, très différente… »<br />

1 Pierre Bourdieu, Les règles de l’art, Genèse et structure du champ littéraire, Seuil, collection Libre<br />

examen politique, 1992, p. 238.<br />

2 Noël Arnaud, op. cit., p. 87.<br />

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