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phrase : « Dupin ! dis-je, complètement bouleversé, ces cheveux sont bien extraordinaires, – ce ne<br />

sont pas là des cheveux humains ! 1 »<br />

Cette citation est identifiée (puisque Jarry nomme Poe), ce qui est suffisamment rare chez<br />

l’auteur de La Chandelle verte, maître en l’art de l’allusion cryptée, pour être signalé. Ainsi Jarry<br />

cherche-t-il à ce que le lecteur puisse véritablement la situer (du moins à ce que cette éventualité<br />

puisse se concrétiser). Par ces seuls mots de Poe, fussent-ils quelque peu modifiés, Jarry s’attache<br />

à faire que soit halluciné – du fait de la popularité de cette nouvelle – le contexte immédiat de la<br />

citation, celle-ci, déformée, faisant déjà en soi office de raccourci, puisqu’elle porte en creux<br />

l’horreur à quoi est rattachée cette constatation, déjà matérialisée par l’usage conjugué, que l’on<br />

retrouve aussi chez Poe, de l’exclamation et de l’italique, horreur qui sera explicitée peu après par<br />

Poe : « C’était l’histoire minutieuse, anatomique et descriptive, du grand orang-outang fauve des<br />

îles de l’Inde orientale. Tout le monde connaît suffisamment la gigantesque stature, la force et<br />

l’agilité prodigieuses, la férocité sauvage et les facultés d’imitation de ce mammifère. Je compris<br />

d’un seul coup tout l’horrible du meurtre. 2 »<br />

En sa chronique intitulée « La femme esclave » parue dans La Revue blanche le 15 mars 1901,<br />

évoquant « la cage des papions au Jardin des plantes », et rapprochant cette évocation de la<br />

« galanterie », Jarry, s’il renvoie directement le lecteur aux volumes de Mardrus, fait aussi<br />

possiblement allusion au singe meurtrier de la nouvelle de Poe vendu à bon prix au « Jardin des<br />

Plantes 3 », ainsi que nous l’avons déjà suggéré, montrant de ce fait en creux toute la violence à<br />

quoi se rattache, pour lui, la sexualité (trait de fusion entre l’animalité et la socialité en l’homme),<br />

comme en témoigne avec force le chapitre intitulé « Du Termès » de Faustroll, au cours duquel la<br />

« fille de l’évêque […] ne survécut point à la fréquence de Priape », à l’occasion d’une seule nuit<br />

passée avec Faustroll 4 ; en outre Ellen au sein du Surmâle semble-t-elle dans un premier temps<br />

mourir suite aux assauts répétés de Marcueil 5 .<br />

Jarry retiendra cette liaison insécable entre violence et « parcs d’animaux » puisqu’évoquant<br />

dans Le Surmâle le « Jardin d’acclimatation » du Bois de Boulogne plongé dans la nuit, il brossera<br />

un climat de cauchemar, précisant que « les chiens sauvages grognèrent derrière leur grille […] de<br />

grandes formes noires bondirent, […] suivant, chacune en deçà de ses barrières, et, au fur de la<br />

promenade, d’autres surgirent. 6 »<br />

1 Edgar Allan Poe, Œuvres en prose, traduites par Charles Baudelaire, texte établi et annoté par Y.-<br />

G. Le Dantec, Gallimard, collection Bibliothèque de la Pléiade, 1951, p. 36.<br />

2 Id., p. 36-37.<br />

3 Id., p. 44.<br />

4 Voir OC I, p. 713.<br />

5 Voir OC II, p. 260.<br />

6 Id., p. 211.<br />

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